Franck Elemba : « le CIO doit reporter les JO 2020 pour préserver la santé des athlètes et la qualité du spectacle "

Dimanche 22 Mars 2020 - 17:15

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Franck Elemba explique les conditions de son confinement, au Maroc. Quatrième du concours de lancer de poids aux JO 2016, le Gladiateur congolais estime que les Jeux olympiques 2020, prévus cet été au Japon, doivent être reportés pour la santé des athlètes et la qualité de la compétition.

Les Dépêches de Brazzaville : Franck bonjour. Comment vas-tu ? Et tes proches?

Franck Elemba : Bonjour à tous. Je vais très bien, comme mes proches.

LDB : Actuellement, tu es au Maroc ?

F.E : Oui, je suis au Maroc où j’ai commencé un stage depuis six semaines à Rabat dans le cadre de ma préparation olympique.

LDB : Une préparation interrompue par la pandémie du Coronavirus…

F.E : Oui, forcément. Nous sommes désormais en confinement et les infrastructures sportives sont fermées jusqu’à nouvel ordre. C’est difficile à gérer sportivement, mais complétement justifié d’un point de vu sanitaire.

LDB : Comment fais-tu pour rester en forme ?

F.E : Je fais des exercices à la maison, type gainage. Mais je n’ai aucun équipement de musculation, donc c’est vraiment de la débrouille. Si ça dure trop longtemps…

LDB : En termes de préparation sportive, c’est un coup d’arrêt pour de nombreux athlètes qui avaient établi toute leur programmation en fonction de Jeux Olympiques (du 24 juillet au 9 août au Japon).

F.E : Effectivement, dans le cadre d’une olympiade, tout est calculé pour arriver au top de sa forme au coup d’envoi des JO. Dans mon cas précis, ce stage à Rabat devait me préparer à la saison en plein air, avec des compétitions à partir de début mai. Tout risque d’être chamboulé.

LDB : Surtout qu’en année olympique, nombre d’athlètes font l’impasse sur la saison en salle.

F.E : Oui, nous sommes nombreux à renoncer aux compétitions en salles, de janvier à mars, pour nous concentrer sur le foncier et monter en puissance durant la saison en plein air.

LDB : Le risque, dans ta discipline comme dans beaucoup d’autre, est de perdre en technicité…

F.E : Oui, c’est le gros problème. On peut toujours bricoler pour essayer de rester en forme, mais on a aussi besoin de faire nos gammes au quotidien, de répéter les gestes techniques. C’est le cas au judo, au saut à la perche, en hauteur, en longueur, au karaté…. Et lorsque l’on répète l’aspect technique, éminemment important, on travaille le mental, on gonfle la confiance.

LDB : L’état de confinement semble être parti pour durer encore quelques semaines. Cela serait-il préjudiciable pour une participation aux JO des athlètes impactés ?

F.E : Si cela dure, il est évident que cela compromet la compétitivité des athlètes. Je ne pense pas que l’on puisse reprendre le cours d’une préparation après un mois de confinement. A deux ou trois mois du début de Jeux, on ne pourra pas refaire notre retard. En espérant que le combat contre le virus soit gagné…

LDB : Ce manque de préparation pourrait, selon toi, être dangereux pour les athlètes en cas de maintien des Jeux Olympiques ?

F.E : Bien sûr, ça serait dangereux pour l’intégrité physique des sportifs. Les risques de blessures seraient logiquement plus élevés.

LDB : Le spectacle s’en ressentirait également ?

F.E : Evidemment. Si ce confinement se poursuit et que les JO sont maintenus, pour des raisons financières, il ne faudra pas attendre grand-chose en termes de résultats et de spectacle : un athlète qui concourt en déficit mental, technique et physique ne peut pas battre un record.

LDB : Le maintien pourrait également poser des problèmes d’équité sportive puisque dans certains pays, comme la Corée du Sud, ne pratiquent pas le confinement et que les athlètes s’entraînent normalement.

F.E : Clairement, nous ne serons pas dans les mêmes conditions. Autant faire des Jeux avec uniquement les athlètes des pays non confinés, sinon ce sera une compétition à deux vitesses.

LDB : Finalement, en dehors des impératifs financiers, on ne voit pas comment le CIO pourrait maintenir les Jeux Olympiques 2020 cet été.

F.E : Si le CIO maintient les JO, ça desservira la cause olympique. L’Euro 2020 a été reporté à l’année prochaine, les Mondiaux d’athlétisme en salle, prévus en Chine en mars, sont aussi reprogrammés en 2021. Donc la logique voudrait que les JO le soient aussi pour le bien des athlètes, le respect de l'équité et la qualité du spectacle.

LDB : Peut-on imaginer que les athlètes s’organisent pour obtenir ce report ?

F.E : On en parle entre nous, bien évidemment, et on espère être entendus. J’espère que les Comités olympiques nationaux vont se fédérer pour faire entendre notre voix (ndlr : parmi d’autres, les fédérations espagnole, américaine et française d’athlétisme, les fédérations américaine et française de judo et de natation ont d'ores et déjà demandé au CIO de reporter la compétition). C’est un crève-cœur pour nous, les athlètes, qui ne vivons que pour ça depuis des mois et des mois, mais il n’y a pas d’autres options.

LDB : Pour finir cet entretien, tu lances donc un appel au Comité olympique congolais à prendre ses responsabilités et protéger la santé des sportifs congolais engagés aux prochains Jeux olympiques ?

F.E : Exactement. C’est ce que je demande au Comité national olympique et sportif congolais. Je demande aussi à tous mes amis athlètes de bien se protéger en adoptant les consignes sanitaires, car votre santé n’a pas de prix. Une demande que j’adresse à tous les Congolais : ces mesures de précautions sont primordiales pour éviter que le virus ne se propage.

 

 

Propos recueillis au téléphone par Camille Delourme

Légendes et crédits photo : 

Confiné au Maroc, Franck Elemba se maintient physiquement chez lui, sans matériel de musculation (DR)

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