Génocide de 1904 : l’Allemagne restitue à la Namibie les ossements de guerriers Herero et Nama

Jeudi 30 Août 2018 - 12:30

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Les restes des combattants des deux ethnies, exterminées durant la période coloniale, ont été rendus à leur pays le 29 août. Un geste jugé cependant insuffisant par leurs descendants qui exigent des excuses officielles de Berlin.

Dans une volonté de réconciliation, dix-neuf crânes, des ossements divers et un scalp pris par les forces coloniales allemandes en 1904 ont été remis, lors d'une cérémonie religieuse à Berlin, à une délégation namibienne conduite par la ministre de la Culture, Katrina Hanse-Himarwa. Ces restes étaient jusqu'ici possédés d'universités, de musées et de collections privées en Allemagne.

Lors de la remise, la secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, Michelle Müntefering, a demandé « le pardon du fond du cœur ». Le 27 août, elle avait déjà estimé que l'Allemagne avait « encore fort à faire » pour assumer son passé colonial sur ce territoire africain (1884-1915). Des excuses jugées cependant insuffisantes par les représentants des deux ethnies.

« Nous sommes ici pour honorer nos héros et héroïnes qui ont été brutalement tués uniquement parce qu'ils ont refusé d'être colonisés et qu'ils ont osé résister à l'occupation de leurs terres ancestrales », a expliqué un chef Herero, Vekuii Rukoro. Il a regretté que la cérémonie ait eu lieu dans une église plutôt que dans un bâtiment public où le gouvernement aurait pu présenter des excuses officielles. Un geste auquel Berlin n'est pas encore prêt pour ne pas ouvrir la voie à un flot de demandes de dédommagements financiers.

Le gouvernement allemand a déjà reconnu sa responsabilité dans les massacres et indiqué, en 2016, qu'il prévoyait des excuses officielles dans le cadre de négociations avec la Namibie. Mais les discussions sont toujours en cours et les excuses en suspens. « Des réparations, une reconnaissance et des excuses » sont les conditions d'une normalisation des relations diplomatiques entre l'Allemagne et la Namibie, a rappelé à cet égard la ministre Katrina Hanse-Himarwa, à Berlin.

L'Allemagne a jusqu'ici refusé de payer des réparations financières, préférant des compensations sous forme d'aide au développement. Elle dit avoir déjà versé dans ce cadre des centaines de millions d'euros à la Namibie depuis son indépendance de l'Afrique du Sud en 1990.

Techniques génocidaires

Le massacre de dizaines de milliers de Herero et de Nama par les Allemands est considéré par des historiens comme le premier génocide du XXe siècle. Ces ossements, dont quelque trois cents crânes, furent envoyés en Allemagne pour des expériences scientifiques à caractère racial.

L’ambassadeur de Namibie à Berlin a réclamé, en 2008, la restitution de ces crânes. « Il s'agit de retrouver notre dignité, de nous réapproprier notre histoire. Et il s'agit d'offrir à ces crânes une vraie sépulture », avait-il déclaré, avant de voir la restitution, en 2011, de vingt crânes de guerriers Herero et Nama.

Les seules victimes sont les tribus Herero, qui représentent environ 7% de la population namibienne contre 40% au début du XXe siècle, et les Nama. Leurs représentants ont lancé une procédure judiciaire à New York pour exiger des réparations directement aux descendants des deux ethnies exterminées. Privés de leurs terres et de leur bétail, les Herero s'étaient révoltés en 1904 contre les colons allemands, faisant une centaine de morts parmi les colons.

Envoyé pour mater la rébellion, le général allemand Lothar von Trotha avait ordonné leur extermination. Les Nama s'étaient soulevés un an plus tard et subirent le même sort.

Au total, au moins soixante mille Herero et environ dix mille Nama perdirent la vie entre 1904 et 1908. Les forces coloniales allemandes avaient employé des techniques génocidaires : massacres de masse, exil dans le désert où des milliers d'hommes, femmes et enfants sont morts de soif, et camps de concentration comme celui tristement célèbre de Shark Island.

Josiane Mambou Loukoula et AFP

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