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Gestion de la masse salariale de l’Etat : pourquoi travailler mieux pour gagner plus?

Mercredi 12 Octobre 2016 - 17:26

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En 2016,  le salaire mensuel minimal dans le secteur privé du Congo est de 54.400 FCFA pour 160 heures, soit 340 FCFA/heure,  quand celui du secteur public est de 110.825 FCFA pour 140 heures, soit 791,61 FCFA. L’important écart entre le salaire horaire du travailleur du privé et celui de l’agent de l’Etat pose le problème de l’équité salariale dans une économie en voie d’industrialisation où, la consommation est l’un des principaux moteurs du progrès. Le salaire en est le pilier, d’autant que celui d’un travailleur congolais nourrit plus de cinq personnes.

En effet, dans les pays industrialisés, les gains de productivité du travail liés au progrès technique et à une meilleure organisation du temps de travail, permettent à un agent de travailler mieux en peu de temps et de gagner un salaire plus élevé. Les Etats y valorisent l’initiative privée, en réduisant l’écart de l’éventail des salaires entre le public et le privé. En 2013, en France par exemple, le salaire moyen mensuel dans le secteur privé était de 2.202 € par mois pour 151,67heures, soit 14,52 €/heure, contre 2.469 € par mois pour 151, 67heures, soit 16,28€/heure dans le secteur public.

Au Congo, l’Etat est le principal pourvoyeur d’emplois. Il a ouvert pour la seule année 2013, plus de 40.000 postes pour un coût salarial de 48 milliards FCFA, afin de partager la rente pétrolière dans un contexte de gestion de l’emploi public, caractérisé par le sureffectif du personnel et  une masse salariale galopante sous l’effet des détournements.

1) Du partage de la rente pétrolière: En janvier 2011, les autorités congolaises ont abrogé le décret du 25 décembre 1994 portant suspension des effets financiers à la suite d’un avancement ou toute autre promotion dans la Fonction publique. Une nouvelle grille salariale a fait passer la valeur du point de l’indice salariale de base des agents de l’Etat de 160 à 200, moyennant une augmentation de l’ordre de 25% l’an sur 4 ans pour atteindre 225 en 2014,  250 en 2015, puis 275 en 2016 et 300 en 2017. En 2015, le SMIG est passé de 40.370 à 100.750 FCFA, soit une augmentation de 200% en 20 ans.

Ces augmentations ont presque doublé la masse salariale de l’Etat qui est passée de 270 milliards de FCFA en 2013 à 485 milliards en 2015,  alors que la rente pétrolière qui finance plus de 80% du budget de l’Etat, tarit de mois en mois, depuis la chute libre du cours du baril sur le marché mondial. Ce cours est passé de 125 $ en 2014 à 50$ en 2015 pour se situer maintenant autour de 50,76$, mettant en péril la solvabilité à court terme de l’Etat, prélude des crises sociales.

2) Au sureffectif des agents de l’Etat: En 2015, le Congo avec 4,1millions d’habitants, comptait 150.000 agents de l’Etat, soit 3.2% de sa population, devant le Cameroun  plus peuplé de 22.8 millions d’habitants qui n’a que 300.000 agents de l’Etat, soit 1.3% de sa population, loin derrière le Gabon qui ne compte que 1.8 millions d’habitants pour 104.272 agents de l’Etat, soit 5.8% de sa population.

L’objectif du gouvernement congolais de ne pas dépasser les 370 milliards FCFA de la masse salariale publique, conformément à la loi de finances de l’exercice budgétaire 2015, n’a pas été respecté. Cette masse salariale s’est élevée à 374 milliards FCFA en 2015. Malgré ce dépassement de 4 milliards de FCFA, la masse salariale du Congo reste l’une des plus faibles de la sous-région devant les 733 milliards FCFA du Gabon et les 1. 200 milliards FCFA du Cameroun.

3) Aux détournements des traitements par les agents: Les enquêtes diligentées par le ministère des Finances entre 2014 et 2015 ont montré plus de 9.134 cas d’irrégularités dans les effectifs des personnels civils (39,86%), militaires (43,92%) et policiers (12,22%), pour une incidence financière globale de plus de 8 milliards FCFA par an. Les motifs les plus importants qui caractérisent ces irrégularités sont l’usurpation de grades (45,94%), l’absence d’agents indiquant les personnels fictifs (35,44%) et autres indemnités indûment perçues, détention de plusieurs salaires par agent,… (18,62%).

Ainsi, le tarissement de la principale ressource financière du pays nécessite une gestion plus rigoureuse des effectifs des agents de l’Etat et de la masse salariale publique. Cela suppose une meilleure gestion du fichier informatisé du personnel de l’Etat et la mise en place d’une gestion prévisionnelle des emplois, des compétences et des rémunérations. L’efficacité de ces orientations repose sur un meilleur partage des progrès de productivité du travail entre le salarié du privé et celui du public, afin qu’ils travaillent et gagnent mieux leur salaire.  

Par Emmanuel OKAMBA Maître de Conférences HDR en Sciences de G

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