Grand Kivu : les évêques catholiques préviennent sur le risque de balkanisation

Mercredi 23 Mai 2018 - 19:00

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Dans une déclaration publiée récemment par les hommes de Dieu de Goma, Bukavu, Kindu, Butembo-Beni et Kasongo, il est fait état des velléités de morcellement de la province pour des intérêts particuliers nourris par quelques leaders locaux plutôt occupés à solder leur pays au profit des étrangers.  

Un document choc, c’est le moins que l'on puisse dire de la déclaration ayant sanctionné la dernière Assemblée épiscopale provinciale de Bukavu (ASSEPB) qui s’est achevée le 20 mai. Sur cinq pages, les signataires que sont les évêques de Goma, Bukavu, Kindu, Butembo-Beni et Kasongo ont dressé l’état des lieux des provinces de l’est, en général, et du Nord-Kivu et du Maniema, en particulier. Sans ambages, ces évêques catholiques ont dénoncé le bradage des ressources naturelles du pays au profit des étrangers, avec la complicité des leaders politiques nationaux. Chaque jour, des quantités énormes des minerais quittent le sol congolais, transitent par des pays limitrophes avant d’être évacués à l’étranger, ont-ils signifié. Un commerce illicite qui se déroule sous la barbe des autorités locales visiblement impuissantes face à ce qui paraît comme une maffia organisée avec des implications au plus haut niveau, ont constaté les évêques.

Des minerais du Congo sont ainsi vendus à vil prix à des entreprises étrangères exploitantes sans aucun souci de préservation de ce patrimoine commun qu’est le sol congolais. « Nous regrettons qu’il y ait des leaders nationaux qui, au nom d’une certaine loi, vendent à des organisations étrangères le patrimoine hérité de nos ancêtres et que nous avons le devoir de léguer à notre postérité: terre, mines, puits de pétrole et autres. On dirait qu’ils sont occupés à solder notre pays », notent les prélats catholiques, excédés par le niveau d’insouciance qui caractérise les autorités du pays. Ces dernières, d’après les évêques, font la part belle aux entreprises étrangères opérant en RDC, notamment dans le secteur des mines (cas de Randgold Resources, CMOC international, Glencore, Anglo Gold Ashanti, Ivanhoe Mines, Zijin Mining Group et MMG) au détriment des entreprises locales.

Le « privilège » accordé aux étrangers asphyxie l’économie nationale, constatent-ils, tout en relevant, entre autres, la pression qu’exercent ces entreprises étrangères sur le gouvernement pour le maintien  de la clause de stabilité de dix ans au lieu de cinq ans tel que stipulé dans le code minier révisé et promulgué par le président Joseph Kabila, le 9 mars dernier. Difficile donc pour les entreprises locales d’émerger dans un contexte économique  marqué précisément par les surtaxes, la dégradation des infrastructures routières, la flambée des prix, l’appauvrissement croissant de la population.  

Sur un autre registre, la déclaration des évêques membres de l’ASSEPB fait état d’une nouvelle tentative de démembrement de la partie est de la RDC, ou mieux, de l’éclatement de la province du Nord-Kivu « pour des intérêts particuliers, au mépris de la volonté de la population soucieuse de l’unité de la province dans une RDC unie ». Le document attire l’attention générale sur le risque d’émiettement de tout le pays. « N’y a-t-il pas danger d’attiser les rivalités interethniques avec ce que cela pourraît entraîner comme violence, épuration ethnique et autres crimes contre l’humanité généralement liés aux situations de guerre ? », se sont interrogés les princes de l’Eglise catholique. Et de suggérer le vouloir vivre ensemble comme paravent à toute velléité de déstabilisation du Grand Kivu.

Alain Diasso

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