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Guy-Léon Fylla

Vendredi 11 Avril 2014 - 3:49

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Guy-Léon Fylla, le doyen des artistes-peintres et des musiciens, fête ce 11 avril 2014 ses 85 ans. Lydie-Flore Fylla, sa fille, lui a consacré il y a quelques années, à l’occasion de ses 80 ans, un livre publié aux Éditions Présence africaine, à lire absolument.

Guy-Léon Fylla est né le 11 avril 1929 à Élisabetha, rebaptisée Lokutu, au Congo-Belge. Il est le dernier d’une fratrie qui compte déjà trois enfants : Joséphine, Stéphanie et Michel. Il a trois ans quand son père, originaire du Congo, décide de rentrer au bercail à la fin de son contrat. En 1937, il est inscrit à l’école Sainte-Jeanne-d’Arc à Brazzaville. Son père, Antoine Fylla, meurt en 1942 à Ngaziémo (Congo) à l’âge de 40 ans. Lui en a 13 et se trouve à Brazzaville. Sa mère, Pauline Milandou, prend la relève du pater et assure, avec son petit commerce, l’éducation de ses enfants.

En 1944, Guy-Léon entre à école primaire supérieure du Congo, à Dolisie, qui portera par la suite le nom de collège moderne de Mbounda. Il en sort instituteur en 1948. Mais très vite, il s’écarte de ce chemin balisé du confort de fonctionnaire pour une vie de bohème. Peintre, il navigue entre cubisme, fauvisme et expressionnisme ; il vogue entre la peinture figurative et la peinture abstraite. C’est très tôt, sous la houlette du révérend père Geiss, aquarelliste émérite, qu’il fait ses premiers pas dans la peinture.

En 1947, alors qu’il est en vacance à Brazzaville, il a l’occasion de peindre auprès de son frère aîné, Michel Fylla de Saint-Eudes, qui pratique la peinture en amateur. À cette époque, « seuls trois privilégiés exercent cet art en professionnels : le grand artiste camerounais Gaspard de Mouko, le Congolais Jean Balou, spécialisé dans le portrait, et l’Angolais Nkusu Da Costa, excellent paysagiste, excellent à la peinture au couteau », peut-on lire, sous la plume de Flore-Lydie Fylla. Guy-Léon, pendant longtemps, a été le plus grand spécialiste de la peinture au couteau, quasiment sa marque de fabrique.

C’est au cours d’un séjour au Cameroun, alors qu’il a 22 ans, qu’il rencontre Marcelle Ébibi. Il l’épouse coutumièrement et l’emmène à Brazzaville. Une étape, car grâce à Bowané, inlassable découvreur de talents pour les maisons d’édition grecques et belges installées à Léopoldville (Kinshasa), le couple quitte la rive droite pour la rive gauche du fleuve Congo. Il enregistre chez Céfa la chanson Mamaé de Guy-Léon, servie par la voix de Marcelle Ébibi, soutenue par la guitare électrique de Bill Alexandre, remarquable guitariste belge. C’est vraisemblablement la première chanson congolaise dans laquelle intervient cette innovation. Mamaé révèle Guy-Léon au grand public des deux rives du fleuve Congo.

Excellent guitariste, il maîtrise le solfège et fait autorité dans le microcosme musical congolais ; à son école, de nombreux guitaristes, dont le futur très célèbre Papa Noël. C’est donc sans mal qu’il prend la tête du Négro Jazz dans lequel évoluent Essous, Édo Ganga, Célestin Kouka, Nino Malapet, entre autres. Avec cet orchestre, il s’installe à Léopoldville, d’abord au bar Air France du Camerounais Samuel Ébongué, et au décès de celui-ci, chez Amouzou. Le Négro Jazz se disloque en 1957 à Léopoldville. Guy-Léon Fylla crée son orchestre, Maquina Loca. Après un rapide passage de l’autre côté du fleuve, il se rend au Gabon en 1958. Il y résidera quelques années, entre musique et peinture.

En 1959, le ballet Diaboua de Marie-Isidore Diaboua, en partance pour la France, le récupère à Libreville. Au terme de ce voyage, il repart au Gabon. Sans véritable leadership pendant son absence, son orchestre se délite avant de disparaître. Quelque temps après, en 1961, il regagne Brazzaville. Sans abandonner les arts, Guy-Léon Fylla travaille pour la société pétrolière Agip puis pour Hydro Congo. En même temps, il poursuit ses études de droit et décroche une licence. Il expose régulièrement ses toiles, aussi bien au Congo qu’à l’étranger.

Au début des années 1980, la création de l’Union des écrivains, artistes et artisans congolais lui donne l’occasion de prendre la présidence de l’Union des musiciens congolais qu’il dirige des années durant. C’est en qualité de membre de cette organisation qu’il participe à la Conférence nationale souveraine et devient membre du Conseil supérieur de la République.

Au soir d’une vie bien remplie, mais ruinée par les guerres à répétition de la dernière décennie du vingtième siècle, Guy-Léon, peintre, musicien, universitaire, homme politique restera pour le Congo un homme multidimensionnel. L’exégèse de son œuvre picturale et musicale reste à faire.

Mfumu

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Édition Quotidienne (DB)

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