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Guy Léon Fylla, un maître s’en va

Jeudi 8 Octobre 2015 - 12:15

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Guy Léon Fylla, le maître des maîtres. Chef d’orchestre, il a dirigé les plus grands de la musique congolaise, Nino Malapet, Edo Ganga, Célestin Kouka, Papa Noël, Jean Serge Essous. Sa connaissance du solfège en a fait le précepteur des plus grands guitaristes des deux rives : Brazzos, Franco, Raymond Braink et tant d’autres.

Guy Léon Fylla est l’un des pères incontestés de la peinture congolaise. Il a été le maître de Ndinga Hilarion, Émile Mokoko, Michel Hengo, parmi les plus illustres qui se réclamaient ou se réclament encore de sa filiation artistique.

Que peut-on encore dire de Guy Léon Fylla, pris dans les mailles de la mort, après lui avoir consacré, il y a quelques années, un Brin d’Histoire ? C’était un bon père, attentionné et disponible. Esprit brillant, lucide et intelligent, il avait fait l’école de Mbounda, mais il a renoncé à sa vocation d’enseignant pour la musique et la peinture.

Guitariste, saxophoniste ou encore chanteur, comme dans « Mama éé », ce titre qu’il met sur le marché du disque en 1953.  « Mama éé », son éternel succès, est chanté par son épouse de l’époque, la Camerounaise Marcelle Ebibi, mise sur l’orbite musicale congolaise par ce titre. C’est aux éditions Cefa (Comptoir d’édition du folklore africain) du groupe belge Pelgrims que cette chanson est enregistrée, sous la direction de Bill Alexandre, guitariste belge, chef du studio, qui est à la guitare électrique, utilisée pour la première fois, dans la musique congolaise dans cette œuvre grandiose de Guy Léon Fylla. « Mama éé » n’était pas un succès mais un triomphe couronné par la Rtbf (Radiotélévision belge francophone) l’année de sa sortie. Cette œuvre s’inscrit parmi les plus grands standards de la chanson congolaise. « Peu de chansons résistent à l’air du temps, à l’oubli imposé par les modes, à la disparition des sentiments ».

Auréolé par ce succès, Il prend, par la suite, la tête de l’orchestre Negro Jazz qu’il emmène à Léopoldville en 1955. C’est dans cette ville, capitale de la musique congolaise, qui dispose de studios d’enregistrement et d’un embryon d’industrie phonographique, que se disloque Negro Jazz. De ce noyau originel naissent les groupes emblématiques de la musique des deux rives : Ok jazz, Rock’A Mambo, Maquina Loca, Bantous créés par des transfuges, Essous, Nino, Edo, Célestin et bien d’autres musiciens.

Peintre de renommée internationale, Guy Léon Fylla a bouleversé l’art pictural au Congo par son style qui oscille entre réalisme et cubisme. Il y a, dans sa peinture, quelque chose de pathétique et même profondément poignant, reconnaissable entre mille. Il met en scène, à travers la coulée de peinture sur la toile, des scènes de vie courante, restituées avec un réalisme désarçonnant. Les images joyeuses jouxtent des paysages fuligineux. La dimension onirique de son inspiration a donné lieu à une peinture ciselée, au propre comme au figuré, faite de fulgurances chromatiques. C’était le maître de la peinture au couteau. Ivre de génie autant que de travail, il laisse une œuvre de qualité, éparpillée dans le monde.

Né le 11 avril 1929, à Elisabetha, actuellement Lokoutou, en République démocratique du Congo, dans la province orientale, Guy Léon Fylla, grande taille, d’une solide santé, belle corpulence, était un bon vivant. Des années après Mbounda, il commence des études de droit par la capacité, avant d’obtenir une licence dans cette discipline en 1980. Dès 1967, une passe financière délicate le contraint à trouver un emploi. Il est recruté dans une société pétrolière, en qualité de cadre jusqu’à sa retraite. Cette activité professionnelle ne l’empêche pas, à la création de l’Unéac (Union des écrivains et artistes congolais) de devenir président de l’Union des musiciens congolais (Umc). C’est à ce titre que 20 ans plus tard, il participe à la Conférence nationale souveraine en 1991. Il est membre de Conseil supérieur de la République lors de la période de transition.

Jusqu’au dernier battement de cœur, Guy Léon Fylla a vécu en artiste, sans contraintes. Il est décédé à Brazzaville, le jeudi 1er octobre 2015. Comme disait le poète : « Tout tombe. Le soleil tombe. Nous tombons à sa suite ». « La vie est incessante course contre la mort… Le meilleur ne gagne pas toujours ». La preuve : Le maître des maîtres est tombé.

MFUMU

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Édition Quotidienne (DB)

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