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Histoire : comment concilier le présent et le passé

Lundi 17 Février 2014 - 0:42

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Nous l’avons écrit ici même à maintes reprises : l’une des grandes aventures que vivra le Congo dans les années à venir sera la reconstruction, la renaissance, la réécriture de son histoire. Une histoire riche et féconde qui n’a pas commencé avec la colonisation, mais qui remonte à la nuit des temps et dont il reste, en dépit des apparences, de nombreux vestiges sur toute l’étendue du territoire.

La plus grave erreur que pourraient commettre aujourd’hui les Congolais dans leur quête légitime du passé serait de laisser à d’autres le soin de remonter dans le passé afin de raconter ce qu’il advint sur leurs terres il y a cent mille ans, il y a dix mille ans, il y a mille ans, il y a cent ans. Et plus grave encore serait l’erreur de confier à des spécialistes étrangers le soin d’élever les lieux de mémoire qui rappelleront aux générations présentes et à venir les moments forts, les soubresauts, les instants de bonheur, les tragédies qui ponctuèrent cette très longue histoire.

Le temps est révolu où l’Afrique se souciait si peu de ses racines et de la vérité historique qu’elle s’abstenait de rassembler les objets, les documents, les signes qui expliquent ce qu’elle est devenue. Ses écrivains, ses chercheurs, ses universitaires, ses architectes, ses peintres, ses sculpteurs maîtrisent parfaitement les outils qui permettent de faire revivre le passé. Ils sont parfaitement capables de mener à bien les projets les plus ambitieux qui visent à raconter aux hommes et aux femmes de ce temps pourquoi ils sont ce qu’ils sont présentement.

Que ceux qui doutent de la justesse de ce raisonnement considèrent le travail en tous points remarquable qui permit il y a dix ans l’élévation, en plein cœur de Brazzaville, du mémorial Pierre-Savorgnan-de-Brazza. Conçu par un architecte congolais, réalisé par des entreprises congolaises même si le marbre utilisé venait de la lointaine Italie, le monument est la preuve vivante que les techniques mises au point ailleurs sont aujourd’hui parfaitement maîtrisées au Congo. Et le fait qu’une foule ininterrompue le visite prouve qu’elle y trouve bien ce qu’elle est venue y chercher.

À l’heure où s’esquisse un vaste plan destiné à créer les lieux de mémoire sans lesquels l’histoire du Congo ne serait jamais véritablement écrite – Musée de l’esclavage à Loango, Musée national et Musée des arts premiers à Brazzaville, Musée kiébé-kiébé à Edou, Musée du cercle africain à Pointe-Noire… – il faut dire et redire qu’il revient aux Congolais de raconter par le verbe et par la pierre, le verre ou le béton ce que fut leur passé.

Entendons-nous bien : il ne s’agit nullement ici de céder à la tentation d’un nationalisme étriqué qui rejetterait tout apport extérieur et tendrait à replier le peuple congolais sur lui-même. Mais dans le temps privilégié que nous vivons, où le Congo entend ne plus laisser à d’autres le soin de raconter ce qu’il vécut au long des millénaires précédents, il ne serait ni logique ni raisonnable d’aller chercher ailleurs l’inspiration.

Jean-Paul Pigasse

Edition: 

Édition Quotidienne (DB)

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