Hydrocarbures : trois ONG dénoncent l’opacité du négoce du pétrole africain sur le marché suisse

Mardi 22 Juillet 2014 - 13:09

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Dans un rapport rendu public le 21 juillet à Lausanne, en Suisse, la Déclaration de Berne, Swissaid et le Natural Governance Institute (Institut pour la gouvernance des ressources naturelles) décrient les pratiques des sociétés helvétiques impliquées dans la vente du pétrole africain. Les deux premières ONG sont suisses et la troisième est américaine

Constatant que la vente du pétrole africain en Suisse génère des revenus colossaux, les ONG dénoncent la position « d’hégémonie des sociétés de négoce suisses », une situation de « quasi-monopole » et « des transactions opaques ».

« Il n’y a aucune transparence sur où va l’argent lié à ces ventes de pétroles alors que les montants sont faramineux », affirme Marc Guéniat de la Déclaration de Berne.

Selon les ONG, entre 2011 et 2013, les sociétés suisses « se sont aménagé une part de marché de 25% sur le segment très opaque du pétrole mis en vente » dans le monde par les États subsahariens et les compagnies publiques. Cette part de marché représente 55 milliards de dollars, et « l’intégralité du produit de ces ventes n’atterrit pas dans les caisses des États ».

En raison de l’ampleur de ces paiements, les ONG demandent aux pays producteurs d’adopter des règles assurant « l’intégrité dans la sélection des acheteurs et la fixation du prix de vente » et de publier les noms des sociétés qui achètent le pétrole étatique. Car « dans la plupart des cas examinés », une telle transparence a « fait défaut ».

Désirant donner un réel coup de projecteur sur les transactions qui passent par la Suisse et ses sociétés de négoce installées en toute discrétion à Genève, Zoug ou Lugano, les auteurs du rapport révèlent que les sociétés suisses ont acheté durant la même période plus de 500 millions de barils de pétrole, représentant le montant de 55 milliards.

Parmi les pays exportateurs du pétrole auxquels les ONG ont consacré leur étude figurent la République du Congo, le Cameroun, le Gabon, la Guinée équatoriale, le Nigeria, le Tchad et la Côte d’Ivoire. En Guinée équatoriale, par exemple, les sociétés suisses Arcadia, Glencore, Trafigura  et Vitol ont effectué en 2012 des ventes du pétrole national pour un montant estimé à plus de 2,2 milliards de dollars, soit 36% des recettes du pays.

« Les ventes de pétrole brut par les gouvernements et leurs compagnies nationales sont l’un des secteurs les moins étudiés de la gouvernance du secteur pétrolier, il s’agit de la première étude détaillée sur ce sujet », soulignent les auteurs.

En juin dernier, la Suisse a demandé plus de transparence dans le secteur des matières premières uniquement aux entreprises faisant de l’extraction, mais le négoce en était exclu. « En tant que pays hôte de la première place de négoce des matières premières au niveau mondial, la Suisse peut et doit prendre ses responsabilités », estiment les auteurs du rapport. « Si le négoce continue à être exclu de la transparence, les transactions faramineuses réalisées entre firmes suisses et gouvernements africains demeureront secrètes », conclut l’étude.

Nestor N'Gampoula