Interview. Benz Bozi Boziana : « La musique des deux Congo n’est plus jouée comme avant »

Jeudi 3 Janvier 2019 - 21:09

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De son vrai nom Mbenzu Ngambomi, le patron et fondateur de l'orchestre Anti-Choc est l’un des artistes musiciens qui ont marqué la musique des deux Congo et du monde. En séjour à Brazzaville, il s'est confié à la rédaction des Dépêches du Bassin du Congo pour parler de son album qui est sur le marché et de son prochain single qu’il chantera en featuring avec Ferré Gola. Il nous a également fait part de ses inquiétudes sur l’avenir de la rumba.

Les Dépêches du Bassin du Congo (L.D.B.C.) : Pouvez-vous, pour commencer, nous dire un mot sur votre dernier album sur le marché ?

 Benz Bozi-Bosiana (B.B.B.) : J’ai un album sur le marché intitulé "Toute une histoire". Il est en deux volumes. Le premier contient les vieux titres des chansons que j’ai composées dans le passé comme "La reine de Sabah", "Doukouré", "Lubuaku", "Evelyne", etc. Le second, par contre, contient de nouvelles compositions. Et je suis présentement en train de préparer un single en featuring avec Ferré Gola, intitulé "Android". Il sera mis sur le marché en février prochain. Ces albums sont produits par ma propre maison de production sous le label Boziro.

L.D.B.C. : Comment se comporte alors "Toute une histoire" sur le marché ?

B.B.B. : L’album se porte assez bien sur le marché. Seulement nous sommes confrontés à un véritable problème de distribution. Il n’y a presque plus de distributeurs sur le marché ; on ne se décourage pas puisqu’il est en train d’être acheté petit-à-petit et est également disponible sur le net. Il suffit simplement d’aller sur le net et de taper bozibozianaofficiel pour trouver toutes les plates-formes d’achat de l’album.

L.D.B.C. : Dans votre parcours, vous avez marqué le monde tant sur le plan national qu’international. Qu’est-ce qui faisait votre force à l’époque ?

B.B.B. : Ce qui faisait ma force à l’époque, c’étaient les producteurs Anytha Ngapi production et Vévé Center-Verkys. Ces maisons ont vraiment fait ma promotion devant la face du monde. Elles mettaient beaucoup d’argent pour ma visibilité. Ce n’est pas comme aujourd’hui. Nous avions, à ces moment-là, des maisons de disques. A Brazzaville, il y avait Disco Mabélé, Ndiaye…, sauf qu’actuellement, elles ne sont plus nombreuses.

L.D.B.C. : A votre époque, la musique ne rapportait pas suffisamment d’argent. Etait-ce par amour, par conviction ou pour le succès que vous la faisiez ?

B.B.B. : Je dirai qu’il y a une grande différence entre notre manière de travailler d'hier et celle d’aujourd’hui. Nous faisions la musique sans but lucratif et ne mettions pas l’argent devant ; c’était d’abord le travail. Mais avec l’évolution, les années qui passent, les choses également sont en train de changer. Certes, on pouvait gagner un peu d’argent mais pas aussi des sommes importantes par rapport à maintenant. Beaucoup d’artistes musiciens, les jeunes surtout, sont en train de laisser la rumba pour faire la musique étrangère. Et la rumba est de moins en moins jouée dans les boîtes de nuit, les bars. Or, les DJ oublient une chose, en favorisant ce genre de musique, c’est-à-dire les Coupé-décalé, Afrobeat, rape…, ils tuent à petit feu notre musique qu’est la rumba. Ces DJ ne comprennent pas certainement cela, avec leurs chansons qui n’éduquent pas la population à cause des insanités qu’elles véhiculent. Ce sont donc ces jeunes musiciens qui détruisent la rumba, notre propre musique originelle. Parce que la musique des deux Congo n’est plus jouée comme avant. La preuve est que le succès de ces albums ne met pas du temps pour la simple raison que c’est une musique d’emprunt.

L.D.B.C. : Cela pourra-t-il être corrigé ?

B.B.B. : Je dirai que tous les jeunes ne font pas du Coupé-décalé. Il y en a également qui font de la rumba. Ces jeunes peuvent rectifier le tir si les DJ peuvent le comprendre et promouvoir la musique de leurs pays respectifs, les deux Congo. Or, il s’avère que la rumba dans certains pays n’est pas jouée. Notre musique est sous embargo. Ce n’est pas qu' on me l’a dit mais j’ai plutôt vécu cela moi-même au Cameroun, au Bénin... C’est parce que dans ces pays, on avait constaté que la rumba prenait le dessus sur la musique locale. Il fallait trouver des stratégies pour arrêter cette ascension.

L.D.B.C. : Vous faîtes partie de cette génération qui tend vers la fin en laissant la place à ces jeunes. Quels rapports avez-vous avec les artistes des deux rives du fleuve Congo ?

B.B.B. :  J’ai de bons rapports avec tous les artistes musiciens des deux Congo de notre génération et celle d’aujourd’hui. Pour preuve, dernièrement quand j’ai traversé le Pool Malébo, je me suis rencontré avec Koffi-Olomidé au Beach de Brazzaville. Les gens étaient surpris de nous voir en train de nous embrasser. Ils devaient certainement s’étonner, contrairement à ce qu'ils apprennent au sujet de nos rapports. Moi, je suis anti-polémique.

L.D.B.C. : Quels sont les artistes musiciens de Brazzaville qui vous convainquent par leur façon de faire ?

B.B.B. : Ici à Brazzaville, il y a beaucoup d’artistes musiciens que j’apprécie. Je citerai pèle-mêle Doudou Copa, Roga-Roga, DJ Migo One, etc. 

L.D.B.C. : Il y a quelques années, votre génération venait de perdre deux artistes, à savoir Papa Wemba et Kester Emmeneya. Au-delà de cette épreuve, peut-on savoir les rapports que vous entreteniez avec chacun d’eux ?

B.B.B. : Il faut dire que j’ai connu Papa Wemba en 1973, dans l’orchestre Zaïko Langa-Langa. Il était non seulement un collègue mais aussi un frère. Nous avions de beaux souvenirs en commun. Sa perte a produit un véritable choc en moi, nous avons perdu une valeur. Avec Emmeneya, nous n’avons pas été dans un même orchestre. Il était dans Viva la musica quand nous étions dans Zaïko. Mais il était arrivé des occasions où nous avions joué à un même endroit. Certes, on ne se fréquentait pas mais on se voyait quand même. Il faut dire que c’était l'un des grands de notre musique.

Ndlr : Bozi Boziana tient à consacrer l’année 2019 à la promotion de ses deux albums en tenant bien sûr compte des erreurs de 2018. Des erreurs qu’il voudrait corriger cette nouvelle année.

Propos recueillis par A. Ferdinand Milou

Légendes et crédits photo : 

Grand père Benz Bozi Boziana

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