Interview. Katebe Katoto : « Le 19 décembre, nous serons face à une situation exceptionnelle et nous allons prendre des mesures exceptionnelles »

Mercredi 12 Octobre 2016 - 18:15

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Raphaël Soriano Katebe Katoto est membre du comité des sages du « Rassemblement » de l’opposition congolaise. Dans un  entretien accordé aux Dépêches de Brazzaville, il estime qu’après le 19 décembre, l’opposition doit conduire une courte transition pour préparer des élections crédibles. 

Les Dépêches de Brazzaville : Les acteurs politiques sont réunis au sein du dialogue. Pourquoi le rassemblement, dont vous êtes membre, ne prend pas part aux travaux ?  

Raphaël Soriano Katebe Katoto: Ce dialogue est pour nous un monologue. C’est un dialogue entre Kabila et ses acolytes, c’est-à-dire la majorité présidentielle et quelques partis politiques qu’ils ont fabriqués. Nous ne pouvons pas y participer. Nous sommes favorables au dialogue car c’est nous qui l’avons demandé. Depuis le mois de février de l’année dernière, nous avions écrit au secrétaire général de l’ONU. Mais le dialogue que nous souhaitons doit être inclusif, mené par un facilitateur neutre.

LDB : Que reprochez-vous à Edem Kodjo ? 

RSKK : Nous avons constaté qu’il n’était plus neutre et qu’il avait un parti pris. Lors de son premier séjour à Kinshasa, en provenance d’Addis Abeba, il est arrivé avec un mandat stipulant qu’il venait exercer la facilitation dans un dialogue initié par le président Joseph Kabila. Nous avons toujours dit que nous n’accepterons pas un dialogue initié par Kabila. Notre vocation est de défendre la Constitution. Et selon cette Constitution, Joseph Kabila est dans son dernier mandat et sa légitimité court jusqu’au 19 décembre. Donc, il ne peut plus être concerné par les négociations politiques puisqu’il est fin mandat.

LDB : Mais cette même Constitution dit que le président en exercice reste en fonction jusqu’à la mise en place du nouveau président. Or, selon la Céni, les élections devraient se tenir en 2018. Donc Joseph Kabila doit rester au pouvoir?

RSKK : Non, penser ainsi relève d’une malhonnêteté intellectuelle prononcée. L’article 64 ne dit pas que le président en fonction va rester éternellement. On dit qu’il va rester en fonction jusqu’à la passation de pouvoir après les élections, c’est-à-dire que les élections convoquées au mois de septembre par la Céni ont eu lieu au mois de novembre et un président a été élu. Ce président élu ne va pas exercer directement car la Constitution prévoit un délai de 10 ou 15 jours. C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre que le président en exercice reste en fonction jusqu’à la passation de pouvoir avec le nouveau président élu. Même la Cour constitutionnelle n’a pas dit que Kabila doit rester au pouvoir éternellement...

LDB : Mais la Céni vient de dire que les élections se tiendront en 2018…     

RSKK : La Céni n’a pas le pouvoir et le mandat de déloger la Constitution. Elle a eu 5 ans pour préparer les élections, mettre en place le fichier électoral et organiser le recensement. Cela n’a pas été fait.

LDB : Mais elle ne disposait pas de moyens…

RSKK : Dans la Constitution et dans les prévisions budgétaires de l’État, il était prévu que pendant ces cinq ans, le gouvernement devait mettre de côté, chaque année, la somme de 200 millions de dollars, pour l’organisation des futures élections. Ce qui aurait fait un total d’un milliard de dollars. C’est le gouvernement qui a été défaillant. La Constitution a été promulguée par le chef de l’État. Ce dernier, lors de sa prestation de serment, s’est engagé à la respecter. Donc, il y a violation et non-respect de la Constitution. Le chef de l’État peut donc être traduit en justice pour haute trahison à la nation.

LDB : Quel schéma envisagez-vous pour la suite au regard de différentes positions des acteurs politiques ?  

RSKK : Malgré les différentes déclarations des uns et des autres, nous devons juste appliquer la Constitution à la lettre. Le 19 décembre à minuit, le président Kabila ne sera plus président de la RDC. Il n’aura plus de légitimité. Nous allons constater la vacance du pouvoir et, avec le peuple, nous allons nous prendre en charge.

LDB : Cela veut dire ?

RSKK : Puisque, pendant 5 ans, le gouvernement précédent n’aura pas été capable de respecter la Constitution et de préparer les élections, nous serons face à une situation exceptionnelle et nous allons prendre des mesures exceptionnelles pour pallier cette carence causée par eux. Nous allons mettre en place une courte transition qui aura pour mandat de préparer des élections sérieuses, crédibles et transparentes.

LDB : Mais qui va diriger cette transition ?

RSKK : Cela sera discuté lors du dialogue de l’opposition. Nous ne pouvons pas laisser la conduite de la transition à celui qui n’a pas réussi à organiser les élections en cinq ans. Ce n’est pas en lui donnant six mois ou un an qu’il va le faire.

Donc c’est quelqu’un du rassemblement de l’opposition qui devra conduire la transition ?

RSKK : Évidemment

LDB : Au nom de quel principe, vous qui défendez le respect de la Constitution ?

RSKK :  Nous serons dans une situation exceptionnelle et nous prendrons des mesures exceptionnelles. Puisque les élections sont obligatoires, le pouvoir en place a le devoir et l’obligation de préparer ces élections. Mais cela n’a pas été fait. Donc, ce pouvoir a failli. C’est eux qui ont créé cette situation. Pourquoi parler de dialogue ? A-t-on organisé un dialogue lors des élections de 2006 et de 2011 ? Si on parle de dialogue aujourd’hui, c’est parce qu’il y a un problème créé par le pouvoir en place lui-même. Les dirigeants actuels ont failli à leurs devoirs et obligations donc nous les déclassons purement et simplement. Ils nous ont mis dans une situation exceptionnelle où nous devons trouver des solutions exceptionnelles.

LDB : Qui sera le candidat de l’opposition lors des élections, Étienne Tshisekedi ou Moïse Katumbi ?   

RSKK : On n’en est pas encore là. Aujourd’hui ce qui est important, c’est la fin du mandat de l’actuel chef de l’État et la recherche des solutions pour aller vers des élections crédibles.

Patrick Ndungidi

Légendes et crédits photo : 

Photo 1 Raphaël Soriano Katebe Katoto Photo 2 Raphaël Soriano Katebe Katoto

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