Interview. Paul le Perc : « Le jazz ne va pas disparaître même si d'autres tendances sont aujourd'hui à la mode »

Mercredi 2 Mai 2018 - 15:45

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Le percussionniste le plus célèbre de Kinshasa s’est investi cette année pour une célébration locale, de plus grande envergure que d’ordinaire, de la journée dédiée au jazz à l’échelle internationale, le 30 avril. Au travers de l’ASBL Jazz ya Kongo et avec le concours de l’Institut national des arts (INA), ils ont organisé une série d’activités dans ce cadre. Au Courrier de Kinshasa, le leader de Jafrozz a confié son ambition pour la vulgarisation de cette musique qu’il destine à tous les mélomanes de la bonne musique du pays.

 Paul Ngoie, dit Paul le PercLe Courrier de Kinshasa (L.C.K.)  : Pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Paul le Perc (P.L.P.) : Je suis Paul Ngoie, artiste musicien et opérateur culturel. On m’appelle le Perc parce que je suis percussionniste et je suis leader du groupe Jafrozz.  

L.C.K. : J’Afrozz, ce nom semble bien singulier. Quel genre de musique faites-vous et à quel public le destinez-vous ?

P. L. P. : En fait, Jafrozz veut dire afro jazz, j’ai joué sur les mots pour avoir une certaine originalité. À la base, nous sommes musiciens de jazz parce que nous adorons cette musique mais nous nous la sommes appropriés et en avons fait une à notre manière. Nous y mêlons les musiques congolaises tant traditionnelles que modernes pour créer un jazz congolais. Nous faisons du jazz congolais de l’afro jazz et il nous arrive de reprendre des thèmes internationaux de jazz. Nous nous adressons au public qui aime écouter de la bonne musique. Pour commencer, aux mélomanes de jazz mais aussi à tout le monde si bien que nous n’hésitons pas à proposer notre musique même à ceux qui ne la connaissent pas. 

L.C.K : Le jazz passe pour une musique assez sélective à Kinshasa, en tant que l’un des jazzmen de la première heure, que faites-vous pour le vulgariser ou le populariser  ?

P. L. P. : Ce n’est pas vrai que le jazz appartient à un cercle fermé. Il ne faut pas oublier que dans les années 1920 à 1960, c’était une musique populaire à travers le monde en partant des États-Unis. Elle avait fait un grand succès et même, à la naissance des orchestres de la musique congolaise moderne, le terme jazz revenait souvent, c’est le cas notamment d’Ok Jazz et African Jazz. Ils adoptaient ce nom même s’ils ne le jouaient pas vraiment mais juste parce que c’était la musique du moment. Cela coïncidait aussi avec le succès de la salsa mais la musique jazz était plus en vogue. Aujourd’hui, nous avons d’autres formes de musique et même la rumba congolaise commence à changer, se mélanger avec d’autres styles. En Afrique, c’est beaucoup plus l’afro beat et le hip-hop qui battent leur plein. Le jazz est quand même resté une musique assez spéciale, qui n'attire pas tout le monde. Il y a tout de même des gens qui l’aiment malgré tout mais aussi ceux qui sont nés dedans et d’autres qui le croisent sur le chemin. C’est un genre qui ne va sûrement pas disparaître après toutes ces années qu’il traîne derrière lui et nous essayons de le vulgariser à notre manière. Nous comprenons que ce sont les autres tendances qui sont actuellement à la mode mais nous essayons de le proposer aussi pour qu’il demeure.  

L.C.K. : En vue de sa vulgarisation, avez-vous déjà tenté de jouer en cité ?

P. L. P. : Oui, plusieurs fois. Je me rappelle un projet qui s’appelait Explo Jazz où nous livrions des concerts à la cité à plusieurs reprises. C’est vrai que, depuis un bon moment, nous ne le faisons plus mais nous envisageons de reprendre. Il est vrai que ce n’est pas facile de jouer en cité, il faut du matériel et un appui, nous espérons y arriver.

L.C.K. : Dans le milieu de cette musique, vous passez pour l’un des ténors puisque votre nom est même attaché à un festival… Pourriez-vous nous en parler ?

P. L. P. : Je fais partie des gens qui se battent pour cette musique mais je ne sais pas si je suis un des ténors … C’est dans ce sens que nous avons créé un festival, le Jazz Kif, dans sa version originale qui était vraiment un événement centré sur le jazz. Maintenant, il a changé et s’est plus ouvert à d’autres formes de musique et je n’en fais plus la programmation. Je viens de lancer un nouveau festival qui s’appelle Kinshasa Jazz et c’est à lui que je m’identifie.  Paul le Perc sur scène

L.C.K. : Comparé au Jazz Kif, ne pensez-vous pas qu’il faille le populariser, l’emmener dans les rues et pas seulement à la Gombe ?

P. L. P. : Bien sûr ! La première édition s’est tenue dans la Rue du Jazz, là où fut lancé le Jazz Kif. La vision que nous en avons est de commencer aussi à organiser une journée dans la cité à part la Rue du Jazz. Nous pensons aller à un lieu plus grand et nous rendre en cité pour faire encore plus la promotion du jazz.

L.C.K. : Pour cette année, n’avez-vous pas pensé célébrer le 30 avril avec plus de gens au-delà de votre cercle de jazzmen et de vos fervents mélomanes ?

P. L. P. : En fait, sur le plan international, la Journée internationale du jazz est lancée depuis sept ans mais à Kinshasa, nous en sommes à la cinquième. Nous avons commencé en 2014. Jazz ya Kongo avait organisé un événement à cet effet aussi en 2015, puis l’INA l’a fait en 2016 et 2017. Et, cette année, je me suis dit puisque Jazz ya Kongo et l’INA pensaient le faire, il serait mieux de nous mettre ensemble. Je vous apprends qu’à Lubumbashi aussi il y a eu un programme, il s’est passé quelque chose avec Gaby et les autres qui s’y trouvent. Notre communauté de jazz a fait en sorte que l’INA aussi s’intéresse à cette musique et aujourd’hui, il organise des activités s'y rapportant. Pour l'année prochaine, nous voulons que le cercle s’ouvre davantage. Comme Lubumbashi aussi s’y met, à l'instaar du Centre Wallonie-Bruxelles et la Halle de la Gombe, nous devons y joindre bien d’autres partenaires pour faire un programme plus grand dans le cadre de la Journée internationale du jazz. Je voudrais qu’il y ait une série de concerts mais que cela reste aussi plus didactique.

 

 

 

 

 

 

 

Propos recueillis par Nioni Masela

Légendes et crédits photo : 

Photo 1 : Paul Ngoie, dit Paul le Perc Photo 2 : Paul le Perc sur scène

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