Interview. Tony Bolamba : « Il est temps d’engager un dialogue politique avec la diaspora »

Lundi 28 Octobre 2013 - 16:18

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Le président du Mouvement pour le Congo décortique le récent discours du chef de l’État devant le congrès dont le contenu rejoint, dans une grande partie, ses aspirations en tant que jeune leader associatif ambitieux.

-Les Dépêches de Brazzaville : Êtes-vous personnellement satisfait du discours du chef de l’État devant le congrès ?

-Tony Bolamba : Mes attentes ont, en effet, été comblées parce que pratiquement tout ce qui a été dit a rejoint mes aspirations. Depuis 2009 et après les élections de 2006 et 2011, notre association avait demandé un dialogue entre Congolais afin de juguler, par la voie des négociations internes entre fils du pays sans exclusion, le malaise social qui se dessinait. Nous avons aussi recommandé la formation d’un gouvernement d’ouverture. Nos exigences ont été prises en compte. Maintenant nous attendons la concrétisation de ce qui a été dit.  

-LDB : Un gouvernement d’ouverture, est-ce opportun à l’heure actuelle ?

-TB : Dans un pays qui se veut sérieux, lorsqu’on se sent en difficulté, on doit faire appel aux intelligences d’ailleurs, ou mieux à d’autres compétences. Ceux à qui l’on fera appel dans le cadre de ce gouvernement seront bien évidemment des Congolais d’origine, de cœur et d’adoption, désignés pour faire évoluer les choses. Devant les réalités, il arrive à un moment de la vie nationale de se faire violence en mettant en sourdine les textes de sorte à chercher un moyen consensuel susceptible de secourir la population paupérisée à outrance. Je veux dire qu’il faudrait faire appel, au niveau de la primature par exemple, à quelqu’un d’aguerri. Qu’il soit de l’opposition, de la société civile ou de la majorité, cette personne aura pour mission essentielle de servir le peuple congolais quelles que soit son obédience politique.

-LDB : La diaspora aussi a trouvé son compte dans le discours du chef de l’État ?    

-TB : Le problème des Congolais de l’étranger est plus politique. Nos institutions en place sont très contestées par la diaspora. Lorsqu’on est partis aux concertations nationales, il fallait qu’on traite politiquement des problèmes spécifiques de la diaspora. Ceux-ci ne se limitent pas seulement aux questions liées aux visas, aux facilités de douane, etc. Je pense qu’il est temps d’engager un dialogue politique avec la diaspora. Laquelle ? Il faudra choisir les Congolais de l’étranger qui sont représentatifs ou qui ont des associations et les consulter dans un cadre permanent de dialogue avec le gouvernement. En tant que politiques, nous continuons à échanger avec nos frères activistes appelés communément « combattants » qui, dans leur majorité, disent n’avoir pas été écoutés par les concertateurs. Je crains que la jonction avec la diaspora à laquelle devrait aboutir ce forum national n’ait finalement rien donné.    

-LDB : Sur le plan économique, qu’avez-vous retenu d’essentiel ?

-TB : Dans le domaine économique, le fait marquant du discours de Joseph Kabila porte sur les petites et moyennes entreprises (PME). Si ailleurs où nous avons évolué, notamment en France, l’on parvient à stabiliser et à créer des emplois, c’est parce que l’État a accordé des facilités de crédits aux PME qui leur permettent de garder les emplois de ceux qui sont déjà embauchés et de créer de nouveaux. J’approuve aussi la recommandation relative à la sous-traitance de certains travaux pour les confier aux nationaux. C’est bien parce qu’on ne peut pas laisser les grands marchés et les petits marchés aux grandes industries. Pour pallier cette situation, je pense qu’il est temps de sous-traiter d’office toutes les compagnies congolaises dans des vastes projets de développement. Nous voyons certains de nos partenaires venir exécuter de grands travaux en RDC amener leur main d’œuvre. De quoi se demander ce que feront alors les Congolais ?

-LDB : La suite du processus électoral vous rassure au moins ?  

-TB : Je pense que ça dépend de la rapidité de la Céni à présenter le nouveau calendrier électoral. Ça peut aussi être un piège. Qu’est-ce qui ne nous dit pas que le processus peut prendre cinq ans ? Donc, nous devons connaître sur quelle échéance l’institution électorale publiera le calendrier des prochaines élections. Il en est de même du ministère de l’Intérieur qui devra donner un échéancier en rapport avec le recensement général !

-LDB : Quid du Sénat et des Assemblées provinciales qui restent en place ?

-TB : Nous tôlerons ces deux institutions déjà en fin de mandat par galanterie politique. Mais elles sont là par usurpation. Nous les tolérons parce que nous voulons avancer, l’essentiel pour nous est que nous ayons des institutions démocratiques assez stables pour construire l’avenir. Nous visons, quant à nous, la pérennisation de l’État afin de bâtir des bases démocratiques solides pour le bien de nos populations.

-LDB : La lutte contre la corruption cesse d’être une simple vue de l’esprit ?    

-TB : Oui, cela nous a réconfortés parce que la RDC est indexée depuis des lustres comme l’un des pays les plus corrompus au monde, c’est-à-dire un État où cette tare est ancrée dans les mœurs. J’espère qu’il y aura un suivi dans ce domaine. Je suis d’accord qu’on donne à la justice la place qui est la sienne, mais tout part aussi des moyens de rémunération de ceux qui sont chargés d’élaborer les lois. Quelqu’un qui doit trancher sur une décision, s’il n’est pas bien rémunéré, il est automatiquement flexible vis-à-vis de la corruption et sa décision peut être influencée à tout moment. 

-LDB : À propos de la réforme de l’armée, qu’en dites-vous ?

-TB : L’armée n’a pas les moyens de sa défense. L’armée est une branche de la Fonction publique. J’aurai été à leur place, je mettrai l’accent sur la Fonction publique en y insufflant du sang neuf. Notre administration publique étant en pleine mutation, il y a lieu d’envoyer 40% des anciens à la retraite et l’argent qui devrait être utilisé pour l’emploi jeune pourra permettre une sortie honorable de ceux qui ont servi la République. Il s’agira donc de prendre les jeunes qui ont terminé et qui n’ont pas d’emploi pour les reverser dans la Fonction publique. C’est bien beau de s’extasier sur les performances de notre armée, mais il faudra allouer à la Fonction publique un budget conséquent pour assurer son fonctionnement optimal.

-LDB : Un mot sur le blocage des pourparlers de Kampala.  

-TB : Je pense qu’il faut parler directement avec ceux qui arment le M23. Aujourd’hui, ils sont connus. Quelles que soient les divergences, si nous parlons franchement avec les soutiens du M23, nous pourrons aboutir rapidement à une solution fraternelle avec, pour effet d’entraînement, la fin de la guerre de l’Est. Il faut toujours donner une chance à la paix et au dialogue.

Alain Diasso

Légendes et crédits photo : 

Tony Bolamba, président du Moco