Italie : « Et puis, finalement, je ne m’excuserai pas ! »

Samedi 20 Juillet 2013 - 16:15

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Tel un enfant récalcitrant, un conseiller communal de Ragusa oscille entre l’obstination dans le racisme et l’élégance de la courtoisie élémentaire

Son nom ne dit pas grand-chose en Italie. Même la commune dont il est un des membres du conseil, Ragusa, n’est pas parmi les premiers lieux auxquels on pense lorsqu’on parle de la périphérie de Modène. Mais Giuseppe Grassiccia, qui n’est même pas membre du parti xénophobe de la Ligue du Nord, a gagné sa petite heure de gloire dans les médias en s’ajoutant à la liste de ceux qui ont sorti les plus grosses abominations racistes contre la ministre Cécile Kyenge ces jours-ci. Sa trouvaille à lui est double : d’abord une invitation à Madame la ministre à « retourner dans son pays, la République démocratique du Congo, où elle sera sans doute plus utile ».

Ensuite – et là, c’est vraiment une trouvaille ! –, Grassiccia, qui devant le tollé suscité par ses propos, a vaguement envisagé de présenter des excuses à Mme Kyenge, a fini par décider qu’il n’en ferait rien. Car sur internet, a-t-il expliqué avec un trémolo d’émotion à la juste dose, il a découvert que des soudards congolais avaient massacré une quinzaine de soldats italiens. « Je ne veux résolument rien à avoir à faire avec cette dame dont les parents ont massacré des Italiens » : non, c’est non, a-t-il expliqué.

Alors tout le monde en Italie est retourné sur Google pour découvrir ces hordes de sauvages qui ont osé massacrer les concitoyens de leur propre sœur. Et ce fut l’occasion de voir quelques petits détails que Grassiccia avait soigneusement omis de présenter ou de prendre en compte. Les massacres de soldats italiens ont effectivement eu lieu. C’était… le 11 novembre 1961 à Kindu. Des maquisards avaient encerclé des soldats de l’ONU et les avaient assassinés à coups de machette. C’était durant la guerre civile congolaise qui devait voir couler beaucoup d’autre sang, dont celui de Patrice-Émery Lumumba. Et même celui du Secrétaire général de l’ONU à l’époque, Dag Hammarskjold, mystérieusement disparu au-dessus des forêts du Congo sans que son corps soit retrouvé à ce jour.

Mais Grassiccia s’est bien gardé de souligner que chaque 11 novembre, Italiens et Congolais communient à la mémoire de ces barbaries, et qu’à l’entrée du plus grand aéroport romain, trône un monument « à la gloire des aviateurs de Kindu ». Il s’est bien abstenu de développer son argumentaire sur un sujet délicat où des populations africaines, en Libye et en Abyssinie (Éthiopie), pourraient bien lui rappeler que la bêtise d’une guerre peut recruter ses tenants dans les races et les peuples les plus nobles, même chez des Italiens.

« Ministre, ces choses ont été commises par votre peuple bien-aimé. Ne venez plus donner de leçons de civilité au peuple italien : retournez au Congo ! ». La ministre Kyenge semble avoir des nerfs d’acier. Ce qui lui tombe ces derniers jours sur la tête est chaque fois plus gros. Entre l’accusation de fausse déclaration pour l’obtention de son permis de séjour en Italie, le soupçon que ses diplômes d’oculiste (obtenus à Rome et à Milan pourtant) soient des faux, l’insulte qu’elle ressemble à un orang-outang, elle a gardé un calme zen. « Je ne suis pas raciste : je répète que j’ai des amis noirs qui me respectent et que je respecte. J’ai même adopté un petit Tanzanien. Je ne vois donc pas pourquoi j’irais m’excuser pour des propos qui ne sont pas racistes », a dit Grassiccia. On respire !

Lucien Mpama