Italie : l’immigration plus que jamais au cœur du débat sur le djihadisme

Lundi 2 Mars 2015 - 18:33

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Partisans et adversaires d’une tolérance zéro de l’immigration s’affrontent à coups d’arguments ou agitent le chiffon rouge.

Il y a quelques jours encore la menace que fait peser l’islamisme violent sur l'occident était analysée comme simple hypothèse en Italie. Les services de sécurité pouvaient se montrer rassurants : « jusqu’ici, aucun élément ne nous permet de dire qu’il existe des cellules terroristes dans notre pays ou qu’il y ait des infiltrés dans les vagues de migrants venant de Libye », n’a cessé de répéter le ministre de l’Intérieur, Angelino Alfano.

Tout en maintenant une vigilance accrue sur les objectifs stratégiques et en ne minorant pas la portée des proclamations du mouvement de l’Etat islamique (« nous planterons notre drapeau sur la coupole de la Basilique Saint-Pierre », « nous sommes au sud de Rome », « si vous nous menez la guerre en Libye, nous mettrons des milliers de bateaux d’immigrés à l’eau » etc.., les services spécialisés ne cessent d’inviter les populations à ne pas céder à la psychose. Le Premier ministre Matteo Renzi est intervenu, assurant que l’Italie avait « les moyens de faire face ».

Mais les djihadistes se montrent chaque jour plus précis. Et chaque jour le scénario de ces « loups solitaires » auteurs des attentats sanglants de Paris et de Copenhague  de ces dernières semaines est envisagé avec effroi. Durant le week-end, il a été mis la main sur un message de l’Etat islamique directement – c’est la première fois – adressé aux Italiens et en italien ! Un agent recruteur, que les services spécialisés présentent comme étant l’Algérien K.H., 37 ans, ayant fréquenté l’université orientale de Naples, a ouvert un site sur internet. En un italien impeccable, il y a proclamé : « L’Etat islamique,(est) une réalité que je voudrais te communiquer ».

Une fois découvert, le site a été fermé, bien entendu. Mais les messages qu’il a eu le temps de diffuser ont pu toucher des esprits vulnérables. Or c’est précisément par internat que la plupart des auteurs des attentats de ces dernières semaines en France, au Danemark ou au Canada ont été « touchés par la grâce » djihadiste. Et en Italie, cela relance de plus belle le débat sur l’immigration considérée comme possible vecteur d’un islam de sang. Samedi dernier, « l’autre Matteo » comme on l’appelle, Matteo Salvini, leader du parti populiste et xénophobe de la Ligue du Nord, a fait descendre sur la place quelque 100.000 manifestants selon ses propres décomptes.

« Notre objectif principal peut se résumer en trois chevaux de bataille: non à l'euro, retrouvons la souveraineté monétaire, stop à l'immigration, il n'y a plus de place pour personne avec des taux de chômage qu'on a aujourd'hui, et enfin les Italiens d'abord ». Sous le slogan « Renzi à la maison », variante du « dégage » qui a fait écrouler des régimes pendant le Printemps dit arabe, les manifestants s’en sont surtout pris à cette immigration qui se double désormais d’une suspicion de terrorisme.

« Les clandestins, ramenez-les chez eux, n'en laissez plus débarquer un seul ! », a-t-il lancé à l’endroit de la marine militaire italienne engagée dans de périlleuses opérations de sauvetage en mer ces derniers mois. Pourtant, ce qui semble désormais s’inscrire dans l’air du temps trouve aussi ses résistants sur la route de la xénophobie. Pendant que les sympathisants italiens et européens de Matteo Salvini criaient des slogans de haine Piazza del Popolo à Rome, une contre-manifestation tentait de couvrir leurs voix non loin de là, sous un autre slogan : « Jamais avec Salvini » !

« Le visage de l’Italie de demain dépendra du traitement que nous apporterons à la question de l’immigration ». C’est la conviction exprimée, toujours durant la semaine, par le maire de Catane, Enzio Bianco. Comme bien d’autres communes de Sicile, premier point de contact des immigrés s’échappant par la Mer Méditerranée pour gagner l’Europe, Catane sait ce que sont les difficultés causées par l’immigration. Ce qui n’empêche pas Enzio Bianco de réaffirmer, presque comme un mantra : « il nous faut parler d’intégration, de Catane comme ville d’accueil. On est de Catane par naissance », et par descendance, a-t-il rappelé

Lucien Mpama