Italie : Roberto Calderoli contre Cécile Kyenge & C°, le troisième épisode

Jeudi 28 Août 2014 - 16:24

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimable

Le sénateur italien parle de sorcellerie contre lui; le père de l’ex-ministre réagit en finesse. La fille passe à la contre-attaque. Du saignant !

Lorsqu’un jour lointain Hollywood sera en manque d’idées, le puissant centre de réalisation cinématographique américain n’aura qu’à lire les différents épisodes de la relation politique entre la première femme africaine devenue ministre en Italie et le sénateur du parti xénophobe de la Ligue du Nord, Roberto Calderoli ! Le film ainsi produit pourra démarrer par de superbes images de la vallée bergamasque, en Lombardie. Puis le travelling s’arrêterait sur un homme de 58 ans tenant à la main un serpent long, selon ses dires, de deux mètres. C’est Roberto Calderoli (avec un seul « l », orthographe contrôlée).

L’homme est non seulement membre éminent d’un parti qui n’aime pas les immigrés et la diversité mais aussi vice-président du sénat italien. Que dit-il ? Que le serpent qu’il tient à montrer à la caméra vient de sa cuisine où il l’a surpris et tué. Puis suivraient d’autres images de tous ses déboires avec, en conclusion, la déclaration fracassante : « Tous les malheurs qui m’arrivent sont le fait du père de Cécile Kyenge. Il m’a jeté un sort parce que j’ai trop insulté sa fille. Délivrez-moi, s’il vous plaît : au secours. Faites quelque chose ! »

Tel peut être résumé, avec quelque liberté, l’affaire qui occupe les médias à ragots cette semaine en Italie et fait les gorges chaudes des copains de tripot. Roberto Calderoli, homme cartésien s’il en était, trouve qu’il y a de l’envoûtement dans ce qui lui arrive : trois fois admis à l’hôpital en réanimation, sept fois opéré,  accident où il s’est brisé des côtes et deux doigts, décès de sa mère et puis ce serpent étrangement à l’aise dans une région prospère du nord-Italie : « cela me paraît beaucoup ! ».  Voilà pourquoi il demande au père de Mme Kyenge de prononcer pour lui la formule de désenvoûtement.

Au deuxième épisode, c’est Clément Kikoko Kyenge, le père de Cécile Kyenge qui entre en scène. Il ne confirme pas et n’infirme pas la sorcellerie mais enfonce assez subtilement le couteau dans la plaie. « Oui, dit-il en substance, un serpent dans sa maison est mauvais signe. Mais pourquoi l’avoir tué ! Dans tous les cas, si les excuses que vous aviez présentées à ma fille étaient sincères, vous n’avez rien à craindre. Mais, par contre, si c’était par simple calcul politique, alors kéba ! (gare) ». Comme on dirait sur les rives du fleuve Congo. C’est d’ailleurs depuis la République démocratique du Congo que le vieux sage a répondu. Fin du deuxième épisode.

Le troisième épisode s’est joué le 28 août dans la ville italienne de Rimini, sur les bords de l’Adriatique où Cécile Kyenge Kashetu, désormais députée européenne, participait à une rencontre sur … « l’amitié entre les peuples ! ». Les journalistes n’ont pas voulu rater l’occasion de lui poser la question : alors, ce sort lancé contre Calderoli, vrai ou pas ? L’eurodéputée s’amuse de toute l’affaire qu’elle classe dans le lot des superstitions que l’on croirait sorties de quelque hameau du fin fond du Katanga.

« Je suis catholique, et pour moi, les macumba (fétiches) n’existent pas. Mais vu tous les problèmes qu’il a eus, je conseillerais volontiers à Calderoli d’aller en pèlerinage sur les lieux où il pense que le sort lui a été jeté. Qui sait s’il n’en reviendra pas guéri ! » Lorsque la superproduction hollywoodienne sera réalisée, attendez-vous à ce que ce troisième épisode se termine sur l’image d’un Roberto Calderoli muni d’un billet d’avion pour Kinshasa ou Lubumbashi. Comment se passera le palpitant voyage d’un Italien portant un serpent mort en glacière ? Ne ratez pas le quatrième épisode, il y aura du saignant !

Lucien Mpama