Italie-Suisse : On est tous l’immigré de quelqu’un

Mardi 27 Septembre 2016 - 19:11

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L’Italie proteste contre un référendum suisse limitant les travailleurs transfrontaliers. La ligue du Nord, parti anti-immigré, dit prendre acte.

Le canton du Tessin, le plus italien des cantons suisses, s’est prononcé dimanche contre la poursuite de l’accueil des travailleurs transfrontaliers. Par un référendum – une « votation populaire » - les Tessinois se sont prononcés à 58,0% en faveur de la proposition du parti UDC, Union démocratique du centre, de privilégier l’octroi des emplois aux originaires du canton. L’initiative « Les nôtres d’abord » souhaite que, à qualification égale, un emploi soit de préférence accordé à un local plutôt qu’à un frontalier – un étranger.

Dans les faits, une telle mesure revient à pénaliser les quelque 60.000 Italiens qui franchissent la frontière suisse chaque matin pour aller travailler en Suisse et qui rentrent dormir chez eux le soir. Avec l’ensemble des autres cantons, ils sont plus de 70.000 Italiens à venir travailler en Suisse, pays qui jouit d’une plus grande prospérité économique et financière. La Suisse, en effet, ne fait pas partie de l’Union européenne ni de la zone euro. Sa monnaie nationale reste le franc suisse au change très favorable face à l’euro.

La décision du Tessin a d’ores et déjà suscité de nombreuses réactions négatives en Europe. On y rappelle que cela va à l’encontre d’une concertation en cours pour trouver, « Au mieux des intérêts des uns et des autres », le moyen d’assurer la libre circulation des biens et des personnes originaires de l’Union européenne en Suisse. « Sans la libre circulation des personnes, les relations Suisse-UE sont en danger », a averti Paoli Gentiloni, le ministre italien des Affaires étrangères.

En 2014, les Suisses s’étaient prononcés pour l’établissement de quotas de travailleurs provenant de l'Union européenne. En attendant l’entrée en vigueur de ce système, en février 2017, des négociations très serrées se sont engagées entre la Suisse et l’Union européenne. La démarche engagée par le Tessin dimanche vient donc compliquer inutilement des choses qui n’étaient déjà pas faciles à gérer. La balance commerciale suisse est largement tributaire des échanges avec ses voisins immédiats, de qui elle a importé pour plus de 166 milliards de Francs suisses en 2015 contre 202  à l’exportation.

La question est donc largement économique, puisque les Suisses se « plaignent » de perdre des emplois au profit de travailleurs qui proviennent des trois régions italiennes proches : Piémont, le Val d’Aoste et surtout la Lombardie. Mais la question est aussi politique : depuis 2012, cette dernière région est présidée par un membre important du mouvement populiste anti-immigré italien de la Ligue du Nord, Robert Maroni. Que dit-il de la décision du Tessin d’appliquer aux Italiens ce que sa formation politique préconise pour tous les immigrés en Italie?

Il a apparemment pris cette décision avec calme, même s’il ne faut pas gratter profond pour que le naturel revienne en surface. « Nous acceptons le résultat du référendum, naturellement, nous serons vigilants pour qu’il ne se traduise pas en une lésion des droits de nos concitoyens lombards ou, pire, dans l’introduction de discriminations face aux règles qui protègent nos concitoyens ». Pour lui, le combat de la Ligue est contre les immigrés clandestins, pas contre les travailleurs de Lombardie. La subtile nuance s’imposait.

Lucien Mpama

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