« Je le jure sur l’honneur ! »

Mercredi 17 Juillet 2013 - 9:45

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La main sur le cœur, le sénateur italien Roberto Calderolli affirme qu’il n’insultera plus jamais un adversaire politique. Paroles, paroles ?

On ne sait pas si une tempête née de l’abject et du nauséabond peut avoir un côté « acceptable », mais il faut bien reconnaître que l’insulte du vice-président du Sénat à la ministre italienne de l’Intégration a donné à voir et entendre des choses absolument inédites. On se rappelle que, le week-end dernier, le sénateur Roberto Calderolli, membre du parti xénophobe de la Ligue du Nord, avait qualifié l’Italo-Congolaise Cécile Kyenge Kashetu d’orang-outang qui devait retourner « dans son pays, la République démocratique du Congo » s’occuper des parcs zoologiques.

Aussi bien la Ligue du Nord que Roberto Calderolli sont coutumiers d’excès de langage. Mais cette fois, c’est toute la classe politique qui s’est sentie obligée d’intervenir. Du président de la République Giorgio Napolitano au Vatican, en passant par le mouvement populiste des Cinq Etoiles du comique Beppe Grillo, tous ont crié que cette fois la ligne rouge avait été franchie. Au Vatican, en particulier, le cardinal Antonio Maria Vegliò, « ministre » de l’Immigration du pape, a dit son dégoût et, dans une déclaration d’une franchise peu courante au Saint-Siège, a taxé les propos du politique de bestialité. « Penser que l’on est supérieurs aux autres du fait de la seule couleur de la peau est de la bestialité », a dit le haut prélat.

Le chœur unanime des protestations est monté crescendo depuis lundi, culminant en une demande majoritaire de démission du fautif. C’est pourquoi mardi, dans une attitude qu’on lui connaît peu, Roberto Calderolli a été contraint de venir « déposer » au Parlement. « Je reconnais que j’ai commis une erreur grave, très grave. Je présente mes excuses sincères à Cécile Kyenge », a-t-il déclaré, des trémolos dans la voix. Il est même allé plus loin : « Je jure sur mon honneur de ne plus jamais adresser d’insultes personnelles à un adversaire politique », avant d’aller vers la ministre lui serrer la main et lui présenter des excuses officielles devant caméra. De l’inédit !

Alors, tout est-il désormais pour le mieux dans le meilleur des mondes ? Certainement pas ! Car la Ligue du Nord a condamné son sénateur non pour ses propos délétères, mais pour avoir attiré l’attention des médias sur un sujet qui a, en quelque, relégué au second plan le thème de l’immigration et des conditions de citoyenneté sur lesquels elle refait régulièrement son unité. Lacérée par des dissensions à son sommet, éclaboussée par des scandales de gabegies, la Ligue du Nord, en très net recul dans l’opinion même dans ses fiefs de Lombardie et de Vénétie, finit toujours par retrouver ses accents populistes autour des sujets liés à l’immigration.

La crise actuelle a en tout cas donné la parole à des « muets » qu’on n’avait pas, et pour cause, l’habitude de voir sur la scène politique italienne. C’est le cas de la benjamine de Cécile Kyenge Kashetu (mariée à un Italien). Giulia explique face aux caméras que le racisme, c’est de l’idiotie alimentée par l’ignorance : « Vivez en paix, voyagez et lisez beaucoup. Alors peut-être qu’un jour vous découvrirez qu’être raciste est inutile. Un raciste est une personne qui ne sait rien, mais qui persiste à juger selon ses préjugés. »

Paroles d’adolescente qui n’ont pas beaucoup de chances d’ébranler les durs de la Ligue du Nord, mais qui cadrent bien avec l’image véhiculée par Cécile Kyenge Kashetu. « Je ne veux répondre à personne et m’abaisser aussi bas. Pour moi, l’affaire n’a pas à se clore puisqu’elle n’a pas commencé », a dit la ministre, plus zen que jamais. Beppe Grillo a enfoncé le clou : « Calderolli est abject et il devra démissionner. Mais pourquoi est-il sénateur et vice-président du Sénat ? Parce que des gens ont voté pour lui. C’est vers eux qu’il faut aussi se tourner parce que l’Italie qui a inventé le fascisme ne peut pas continuer de découvrir chaque jour de nouveaux Mussolini ! »

Lucien Mpama