Jean Luc Delvert : Et si on parlait culture ?

Samedi 18 Août 2018 - 12:01

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Le 14 juillet dernier, le consul général de France à Pointe-Noire officialisait son départ après quatre années passées dans cette ville. Derrière le parcours de ce brillant diplomate qui aura fait de sa résidence un véritable lieu de rencontres et d’échanges, se cachait un passionné de culture. Rencontre avec Jean Luc Delvert.

 

La prise de fonction du consul général de France à Pointe-Noire, en août 2014, ne devait rien au hasard. En premier lieu parce que c’est à Dar es Salam, en Tanzanie, que Jean Luc Delvert rencontre Lucie, géographe tropicaliste, qui deviendra plus tard son épouse, tous deux rêvant après d’autres missions à l’étranger [Thaïlande, Etats-Unis, Italie…], de revenir un jour en Afrique. Qu’ensuite, Eric Girard-Miclet, ami de longue date et ex-directeur de l’Institut français de Pointe-Noire, lui parle longuement des côtés très attachants de la ville océane alors que Jean Luc Delvert, en poste à l’ambassade de France à Rome, s’apprête à finir une mission de conseiller politique. Deux raisons suffisantes pour faire de la capitale économique de la République du Congo son souhait prioritaire dans les postes à pourvoir proposés par le ministère français des Affaires étrangères. Souhait exaucé ! Quatre années passées à Pointe-Noire où le consul général tombera sous le charme atypique de Ponton la Belle, quatre années ponctuées par l’insigne honneur d’avoir été élevé, en juillet dernier, au grade d’officier de l’Ordre national du mérite congolais par le président de la République,  Denis Sassou N’Guesso, quelques jours avant  la célébration de la fête nationale française au cours de laquelle le diplomate annonce alors son départ et son imminent retour à Paris. «  Cette distinction m’a naturellement beaucoup touché, symboliquement c’est quelque chose de fort, d’autant que le Grand chancelier des Ordres nationaux congolais a fait spécialement le déplacement de Brazzaville à Pointe-Noire pour me remettre cette distinction, c’est dans ma vie de diplomate forcément un joli moment d’émotion », témoignait-il.

« Le Congo est une terre de culture »

Durant ces années, Jean Luc Delvert, homme à la nature réservée, que l’on pourrait croire presque effacé, aura donc marqué tout autant les esprits des autorités congolaises que ceux  de la communauté française par ses qualités de diplomate bien évidemment mais aussi par ses qualités humaines, sa personnalité illustrant, par ailleurs, que « l’ouverture d’esprit n’est pas une fracture du crâne » comme le disait l’humoriste Pierre Desproges. Une ouverture d’esprit forgée par un penchant naturel pour l’art à la sortie de son adolescence à Villeneuve sur Lot, petite commune du Lot et Garonne dans le sud-ouest de la France. Dans une région où l’on pratique plus facilement le rugby à XIII, le jeune homme d’alors préfère quant à lui la natation, avouant malgré tout au passage ne pas être forcément très sport. «  Pour être franc, je ne connaissais pas vraiment le nom des joueurs de l’équipe de France avant la Coupe du monde de football en Russie, par exemple, mais cela ne m’a pas empêché de vibrer pour la finale et de partager l’immense joie collective des Français pour cette seconde étoile sur le maillot tricolore », avait-il déclaré.

Au sport, il préfère donc la littérature, le cinéma, le théâtre, la musique. « A 20 ans, je portais les cheveux longs, j’écoutais beaucoup de musique anglo-saxonne, des gens comme Tom Waits 

[auteur-compositeur, musicien, chanteur et acteur américain]. J’avais également une profonde attirance pour l’art dramatique et je me suis adonné pendant de très longues années à la mise en scène théâtrale. J’ai également travaillé dans une compagnie d’art lyrique avant de passer mon concours pour intégrer le ministère français des Affaires étrangères », confie-t-il. Parlant tantôt de théâtre, il salue volontiers le travail effectué à Pointe-Noire par un vivier de passionnés, citant notamment Georges Mboussi qui dresse un véritable pont artistique entre la France et le Congo, ou encore des comédiens comme Jehf Biyeri ou Laure Bandoki. Cependant, il précise : « Il y a ici en matière de théâtre une véritable force vive, talentueuse et passionnée, il lui manque cependant d’un peu plus d’exigence, elle doit tenter de se professionnaliser un peu plus, s’ouvrir à l’autocritique, s’ouvrir également à d’autres formes d’expressions théâtrales ».

Parlant là de cinéma, il évoque son soutien à Massein Pethas, initiateur de la Caravane du cinéma congolais qui, pour sa deuxième édition, aura fait revivre le cinéma itinérant en sillonnant les routes de Madingou à Edou le mois dernier, soulignant également le formidable travail de Massein Pethas pour son documentaire "Les Temples maudits" traitant des Home studios au Congo Brazzaville. Parlant toujours du 7e art, il fait l’éloge du film "Grave erreur" du réalisateur ponténégrin Richi Mbelele, film ayant eu l’honneur d’être diffusé notamment sur la chaine A+  tout comme à l’étranger dans divers festivals [RDC, Burkina Faso, Cameroun, Sénégal, France…]. Toujours disert à parler de culture, il fait, en outre, l’éloge des œuvres de l’écrivain congolais Tchicaya U’Tamsi dont la mémoire fut célébrée en avril dernier à l’Institut français du Congo ou du remarquable chorégraphe et danseur congolais DeLaVallet Bidiefono, s’étant quant à lui produit au lycée français Charlemagne.

Autant de souvenirs et jolies rencontres ayant jalonné sa mission de diplomate qui déclarait, lors de son discours du 14 juillet dernier, «  Le Congo est une terre de culture qui a nourri des artistes majeurs dont l’œuvre inspire et éclaire le monde, il faudrait tendre vers une professionnalisation et confier des responsabilités à des personnes ayant démontré leurs compétences et leurs valeurs en ce domaine ».

« De la musique classique à la musique urbaine »          

Invité récemment par Zina Hope dans l’émission TV  "Villa Tchimbamba" de TNT Africa, cet amoureux des arts aura également longtemps parlé de musique. «  Autant le dire, si j’aime la rumba traditionnelle, je ne suis pas du tout fan du ndombolo gavé de synthétiseurs et que je juge assez abrutissant », sourit-il. On le sent, l’homme est ouvert à des musiques plus raffinées et pour le Congo, évoque celle, par exemple, de Kaly Djatou, l’auteur de "Premier salaire"  et ancien proviseur du lycée Mpaka de Pointe- Noire avec qui il noue aujourd’hui une solide amitié. Cite encore, par ailleurs, Gaël Manangou [Voix] et Baurdier Dekerpel [Piano], reprenant le répertoire de Jacques Loubelo lors d’un concert à l’Institut français du Congo Pointe-Noire qu’il aura particulièrement apprécié. De même, il avoue être sensible au talent de la chanteuse Berléa qu’il aura invitée à s’exprimer sur scène en sa résidence, à l’occasion de son dernier 14 juillet ponténégrin. Il aura également soutenu pendant ces quatre années Pierre Claver Mabiala, fondateur du célèbre Festival Nsangu Ndji Ndji, accueillant pour chaque édition la soirée partenaires et les concerts y attenant, celui de La Dame Blanche, chanteuse et flûtiste cubaine, ayant marqué de son empreinte cette précieuse collaboration entre les deux hommes qui auront ensemble œuvré avec succès pour la diversité culturelle. Preuve de cette diversité, Jean Luc Delvert enchaîne :   «  Je suis un homme curieux de nature, avec des goûts très éclectiques, ils vont de la musique classique à la musique urbaine, j’ai la chance d’avoir des enfants qui me font découvrir des univers musicaux différents de ce que je peux écouter comme celui du hip hop, par exemple. Des rappeurs comme Orelsan ou Georgio sont très intéressants par leurs textes et ce fut un plaisir d’ailleurs d’accueillir  la conférence de presse de Georgio ici à la Résidence à l’occasion de ses deux concerts donnés l’année passée à Pointe-Noire. Pour ce qui est de la chanson française, je reste malgré tout plus attiré par des artistes comme Alex Beaupain ou Vincent Delerm ».

Dans la ville océane, tous les artistes de la place sont unanimes à regretter le départ de Jean Luc Delvert tant la Résidence du consul de France aura été un carrefour d’échanges culturels, à la fois populaire, festif et amical !

 

Philippe Edouard

Légendes et crédits photo : 

Jean Louis Delvert et Lucie Delvert © Serge Valloni Sita Jean Louis Delvert © Serge Valloni Sita Zina Hope et Jean Louis Delvert © Philippe Edouard

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