Juridiction internationale : la CPI à la recherche du successeur de Fatou Bensouda

Samedi 20 Juin 2020 - 13:22

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Le temps de la succession de la procureure Fatou Bensouda à la Cour pénale internationale (CPI) est arrivé. Le processus a été lancé le 15 juin et prendra fin le 15 juin 2021, date du terme du mandat  de la Gambienne à la tête de la CPI. Le bilan.

 

 

Conformément aux textes de la CPI, un comité d'experts composé de diplomates, de magistrats, d'avocats et d'autres juristes a procédé le 15 juin à l'étude et au dépouillement des dossiers des candidats à la succession de Fatou Bensouda. Quatre ou six d'entre eux seront soumis à l'appréciation des 123 pays ayant ratifié le statut de Rome instituant la CPI. Le candidat retenu succédera à la procureure actuelle, Fatou Bensouda. Ses neuf ans à la tête de cette juridiction internationale ont été difficiles. Son successeur, qui sera un Européen, entrera en fonction le 15 juin 2021 pour un mandat de 9 ans.  

Fatou Bensouda, une femme contestée à la tête d'une institution constestée

Empêtrée dans le dossier ivoirien, Fatou Bensouda n'a pas fait l'unanimité tant du côté occidental que du côté africain. La procureure n'a pas été capable de "déporter" les deux camps en conflit, celui du président Alassane Ouattara et celui du président sortant Laurent Gbagbo, pour les faire comparaître davant la CPI à la Haye, aux Pays-Bas. Ce qui a donné le sentiment de deux poids deux mesures, ou de parti-pris dans la crise post-électorale. Fatou Bensouda va créer une autre polémique, en faisant appel de l'acquittement de Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé en septembre 2019, jouant son crédit. 

Tout au long de ce procès, la CPI a été sous le feu des critiques. En 2013, des chefs d'Etat africains, lors d'un sommet de l'Union africaine avaient taxé cette cour de juridiction qui ne juge que "les Africains. En cause, un "acharnement viscéral et une précipitation" à enquêter et à accuser les chefs d'Etat du continent et autres Africains de crime contre l'humanité. En témoigne la décision du Burundi et de l'Afrique du Sud de quitter le statut de Rome. 

Fatou Bensouda : la pugnacité et le devoir

" Je remplis mon mandat en toute indépendance et impartialité", déclarait Fatou Bensouda en septembre 2019, malgré le nombre croissant de ses ennemis. Parmi lesquels il faut ajouter les Etats-Unis et certains militants des droits de l'homme déçus de ses  huit années à la tête de la CPI.  '' Tant que Je serai procureure je me dévouerai corps et âme pour obtenir justice pour les victimes d'atrocités. C'est mon devoir", persistait-elle. Ainsi Fatou Bensouda réussira à ouvrir une enquête préliminaire sur les crimes commis en Géorgie en 2008 et à déclencher des examens préliminaires en Palestine, en Ukraine et en Birmanie, puis les dossiers afghan et israélien malgré les menaces et des sanctions économiques contre la Cour, et un refus de visa des États-Unis - alliés d'Israël, d'Afghanistan.

D’après le New York Times, le secrétaire d’État américain, Mike Pompeo, l'a qualifiée d’action " prise par une institution politique qui ne rend pas de comptes et qui se fait passer pour un organe juridique". Le charisme et la pugnacité ont fait de Fatou Bensouda l'une des femmes les plus influentes au monde.

La CPI : de longs procès médiatiques au bilan maigre

Au moment où Fatou Bensouda s'apprête à quitter l'institution judiciare internationale de la Haye se pose la question de la réconciliation de la CPI avec les Africains. Le continent africain a une perception plutôt négative de la CPI. D'autant plus que le bilan de ses condamnations est maigre. Le Congolais Jean-Pierre Bemba a été acquitté définitivement, les condamnations de ses compatriotes Thomas Lubanga et Germain Katanga ou du Malien Ahmad al-Faqi Al-Mahdi pour crimes  de guerre n'ont pas porté les fruits escomptés, les poursuites du président kényan Uhuru Kenyatta et son colistier William Ruto ont abouti à un non-lieu. 

La tâche est rude et lourde pour la procureure sortante et pour la CPI, pour "légitimer" l'institution très souvent considérée comme de "tribunal politique". Ici se joue leur réputation respective. 

L'audience du 22 au 24 juin est déterminante pour rédorer l'image de la CPI

Après deux reports successifs, l'audience relatif à l'appel de Fatou Bensouda contre la décision d'acquittement de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé, et contre les juges de la CPI prononcée en 2019, aura finalement lieu du 22 au 24 juin. Cette audience est déterminante pour la suite du procès des deux Ivoiriens et pour la CPI et sa cheffe, en ce sens qu'elle jugera de la poursuite ou non de ce procès qui dure près d'une décennie.

La procureur Fatou Bensouda espère la prononciation d'un "non-lieu" en lieu et place de l'acquittement prononcé en janvier 2019. Ce qui pourrait rouvrir le dossier de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé en temps voulu. Ce qui pourrait être considéré comme une victoire pour la CPI et Fatou Bensouda. C'est dans ce contexte particulier que la succession de la procureure est lancée. Le dossier étant mis à mal depuis plusieurs années par un maque de preuves qui avait déjà conduit à la libération provisoire de l'ex-président ivoirien et de son poulain. Mais très déterminée, Fatou Bensouda veut gagner coûte que coûte ce procès qui n'en finit plus. Parviendra-elle à ses fins avant de quitter la Haye?

 

Noël Ndong

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