Justice internationale : Uhuru Kenyatta devient le premier chef d'Etat à comparaître devant la CPI

Mercredi 8 Octobre 2014 - 16:15

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimable

Le chef de l’État kenyan, Uhuru Kenyatta s'est présenté le 8 octobre devant la Cour pénale internationale (CPI) où il a été convoqué pour évoquer les difficultés de l'enquête dans son procès pour crimes contre l'humanité.

Cette audience devrait permettre au tribunal de fixer la date du début de son procès qui vise à déterminer ses responsabilités dans les violences post-électorales de 2007-2008 dans son pays. Ces violences avaient fait plus de 1000 morts et entraîné plus de 600 000 déplacés.

Le président Kenyan a assisté au debut de l'audience sous le regard de dizaines de ses partisans présents dans une galerie du public présentée comme "pleine à craquer" par la presse. La procureure de la CPI, la Gambienne Fatou Bensouba avait tenu, elle aussi, à être présente à cette première audience du chef de l'État. « Cette affaire est arrivée à un stade crucial, c'est pour cela que j'ai estimé judicieux d'être présente en personne», a t-elle indiqué.

En acceptant de repondre à la convocation des juges à La Haye, Uhuru Kenyatta, âgé de 52 ans, devient donc le premier chef d’État en exercice à se présenter devant la Cour pénale internationale. Pourtant, la menace d’un procès contre sa personne semblait déjà s’éloigner puisque l’accusation avait demandé un report sine die de l’ouverture de ce procès, faute de preuves suffisantes. La procureure avait d’ailleurs expliqué que le gouvernement kenyan ne fournissait pas les documents réclamés par son bureau et que dans pareille situation, elle n’avait pas assez de preuves pour prouver les accusations portées contre le président au-delà de tout doute raisonnable.

Le procès du président Kenyan devait en principe s’ouvrir en novembre 2013, mais il n’a cessé d’être reporté non seulement faute de disponibilité de ses témoins, mais aussi et surtout parce que l’Union africaine faisait pression sur la CPI en vue de son annulation. L’Afrique en effet, continue de menacer de se retirer de la juridiction estimant que les procès de la CPI ne sont qu’une « distraction » et que pour le cas du Kenya, ils empêchent Uhuru Kenyatta de s’occuper des vrais problèmes de son pays.  La plupart des Africains voient dans cette affaire et dans bien d’autres visant les dirigeants des pays du continent « une humiliation pour l’Afrique en général et pour leur pays en particulier ». Ils disent que la CPI n’est rien d’autre qu’une juridiction « au service du néocolonialisme ».

Si le président Omar el-Béchir du Soudan a jusqu’ici échappé de justesse à la CPI, c’est grâce à la pression faite par l’Union africaine contre cette juridiction pour ses poursuites visant principalement les Africains. C’est ce qui fait que dans presque tous les pays d’Afrique, l’on se pose souvent la question de savoir pourquoi les Occidentaux qui bombardent des pays entiers en Afrique ou ailleurs comme ce fut le cas en Libye ne peuvent-ils pas être poursuivis par la CPI pour les mêmes crimes reprochés aux dirigeants africains.

Enquêtes de la CPI en Afrique

Outre le Kenya, la CPI a ouvert des enquêtes dans huit pays africains depuis son entrée en fonction en 2003. Il s’agit notamment de la Côte d’Ivoire, de la Libye, du Soudan, de la RD-Congo, de la Centrafrique, de l’Ouganda et du Mali. Ce qui vaut des critiques à la cour, notamment de la part de l’Union africaine  qui l’accuse de mener « une sorte de chasse raciale ».

Les poursuites de la CPI qui font couler beaucoup d’encre vise entre autres l’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo, son épouse Simone et le Leader des Jeunes patriotes, Charles Blé Goudé, tous soupçonnés de crimes contre l’humanité commis lors des violences post-électorales dans leur pays entre décembre 2010 et avril 2011 ; Seif al-Islam, fils de l’ex-dirigeant Mouammar Kadhafi et l’ancien chef des renseignements libyens, Abdallah al-Senoussi pour crimes contre l’humanité, commis lors de la répression de la révolte de 2011, qui s’est transformée en guerre civile (15 fév-23 oct) ; les chefs de milices de la République démocratique du Congo, dont Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui, accusés de crimes contre l’humanité et crimes de guerre qui sont jugés depuis novembre 2009 pour l’attaque d’un village en 2003. Notons aussi le Procès de Thomas Lubanga, accusé de crimes de guerre pour enrôlement d’enfants soldats en 2002-2003, a pris fin en août 2011. Il est dans l’attente de son jugement.

Le président Omar el-Béchir du Soudan est quant à lui aussi accusé de crimes contre l’humanité et crimes de guerre au Darfour, région ouest de son pays déchirée depuis 2003 par une guerre civile ayant fait plus de 300 000 morts selon l’ONU.  L’ancien vice-président de la RDC, Jean-Pierre Bemba est détenu depuis 2008 par la CPI. Il est jugé pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis entre octobre 2002 et mars 2003 par sa milice en Centrafrique où elle était venue soutenir les troupes du président Ange-Félix Patassé, en butte à une rébellion de François Bozizé. Il faut aussi parler de l’Ouganda puisque la CPI a émis en 2005, des mandats d’arrêts contre Joseph Kony et d’autres hauts commandants de l’Armée de résistance du seigneur (LRA) pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre présumés dans  ce pays, notamment pour enrôlement d’enfants soldats et esclavage sexuel, commis entre 2002 et 2004.

 

 

 

Nestor N'Gampoula