Koffi Olomide : de la grandeur à la disgrâce

Vendredi 29 Juillet 2016 - 21:15

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Le Grand Mopao, l’adulateur de la gent féminine, s’est retourné contre celle-ci en se faisant passer, le temps d’un éclair, pour son bourreau. L’épisode Pamela marquera à jamais d’une tâche noire sa riche carrière de chanteur. 

Lorsqu’il avait asséné un coup de pied à sa danseuse Pamela, devant témoin, le 23 juillet à l’aéroport international de Nairobi, Koffi Olomide était loin d’imaginer ce que cet acte, apparemment anodin, allait lui coûter. Aujourd’hui, c’est toute une carrière qui en a subi le contrecoup avec, à la clé, l’humiliation qui gangrène désormais son personnage descendu de son piédestal de manière peu orthodoxe. L’affaire avait pris une autre connotation lorsque la justice kenyanne s’y est aussitôt mêlée. En un temps deux mouvements, la star congolaise était refoulée après une nuit en garde à vue, sa suite comprise. Les concerts annoncés étaient vite annulés au grand dam de ses nombreux fans déjà en possession de leurs billets d’entrée. Arrêté quelques heures après l’incident au sortir d’une station de télévision kenyanne où il s’était confondu en excuses poussant l’outrecuidance jusqu’à embrasser sa victime en direct, une façon pour lui de se dédouaner et de se refaire une bonne conscience, Antoine Agbepa n’a hélas pu convaincre. Son show télévisé était de nul effet sur un public qui l’avait déjà honni.

Changement de tableau : les Kinois qui avaient suivi les péripéties de l’épisode de l’aéroport Jomo Kenyatta via une vidéo-amateur ayant fait sensation sur la toile montrant la star s’en prendre violemment à sa danseuse, lui ont réservé un accueil froid et glacial à la mesure de sa forfaiture. Sous des huées, le « Jeune Pato » était bien dans ses petits souliers. Alors qu’on a cru le dossier classé après des excuses présentées le lendemain à la télévision nationale et sur certaines chaines privées de la place, le Procureur général décidera d’instruire l‘affaire. Quelqu’un lui avait-il mis la puce à l‘oreille ou s’était-il simplement décidé de se saisir du dossier à la suite de ce que la justice kenyanne avait fait pour ne pas se couvrir du ridicule ? Personne ne sait. Le PGR a décidé d’instruire l’affaire, sans état d’âme, pire, sans plaignant. A défaut de la victime qui s’est rétractée par peur de représailles, des sources allèguent que la conseillère du chef de l’Etat en matière des violences sexuelles aurait pris l’affaire à son compte, y compris certaines associations féminines.

Des locaux du Parquet où il avait été auditionné, le Roi du « Tshatsho »  s’en tirera avec un chef d’accusation plutôt controversé, « Coups et blessures simples », assorti d’une peine de dix-huit mois de prison ferme requis par l’organe de la loi ! Et pourtant, la victime n’est porteuse d’aucune trace de violence, le coup de pied ne l’ayant pas atteint, arguent ses défenseurs. « L’intention est tout aussi punissable par la loi », leur rétorque-t-on. C’est à l’ex-prison centrale de Makala que l’artiste, en détention provisoire, devrait attendre son jugement après l’ouverture de l’enquête pré juridictionnelle qui devrait éventuellement déboucher sur un procès. Mais on n’est pas encore là.

La fin d’un mythe ?

Au-delà des faits, d’aucuns s’apitoient déjà sur le sort de cette icône de la musique congolaise et africaine dont la carrière fulgurante risque de partir en fumée à la suite de cette affaire. Toute l’image de chantre de la femme qu’il s’est forgé des années durant à travers le lyrisme de ses chansons langoureuses a été sérieusement hypothéquée. Koffi, l’adulateur de la gent féminine, s’est retourné paradoxalement contre celle-ci en se transformant, le temps d’un éclair, en son bourreau. Des organisations féminines à travers l’Afrique et le monde, ont exprimé leur dépit vis-à-vis de la star. Certaines dames, hier encore fanatiques de Koffi, lui ont tourné le dos pendant que d’autres ont poussé l’outrecuidance jusqu’à se délester de ses CD et autres supports qui meublaient leurs vitrines. La rupture était, pour ainsi dire, quasi consommée entre l’artiste et l’univers féminin. Signe prémonitoire d’une fin de règne ? Peut-être. Le fait n’a pas son précédant dans l’histoire de la musique congolaise moderne. L’image d’un Koffi menotté conduit comme un malfrat à la prison dépassait tout entendement. Des âmes sensibles s’en sont émues.

Et que dire du lynchage dont il a été l’objet dans les réseaux sociaux où nombre d’internautes y allaient à cœur joie en tournant en dérision la star qualifiée de « multi récidiviste » ! Dans certaines capitales africaines, l’onde de choc provoquée par cette nébuleuse affaire s’est déclinée en termes de rejet pur et simple du compositeur de « Diva » à l‘instar de Lusaka qui a décommandé une série des productions qu’il devrait livrer. Un député national s’y est même invité en initiant une requête au ministère de la Justice aux fins de poursuite du chanteur déjà inculpé en 2012 en France pour viols et séquestrations sur trois de ses anciennes danseuses par un juge d’instruction de la ville de Nanterre, en France.

Rejeté, vomi, repoussé, voire vilipendé par ceux-là même qui se délectaient de sa musique hier, la Golden star ne peut alors que compter sur une poignée d’inconditionnels lui restés fidèles. Ces derniers tentent, tant bien que mal, de défendre leur « frère » et « ami » en lui trouvant des circonstances atténuantes qui n’effacent guère l’infraction sur le plan du droit. « Quelle valeur donnons-nous au pardon dans notre société ? », s’indignait encore l’un d’eux tout en s’interrogeant sur les mobiles de l‘acharnement contre une personne qui a reconnu sa faute et qui a fait amende honorable. « Tout ça c’est parce que c’est Koffi ! », regrette-t-il pointant du doigt les détracteurs de la star qui, en sous main, voudraient se servir de ce dossier pour lui régler proprement le compte.   

Depuis l’affront subi lors des obsèques de Papa Wemba dont l’épouse avait refusé de le voir dans l’assistance encore moins au cimetière Nécropole où était enterré son défunt mari, Koffi Olomide qui, entre-temps, avait perdu son père, n’a hélas pu décrypter ce signe de temps et en tirer la leçon. Sa chanson d’hommage à son mentor « Petit Rossy » fut boudée et un de ses collaborateurs lynché pour avoir tenté de distribuer le support dans un périmètre où il n’était pas le bienvenu. L’expulsion de Naïrobi a tout l’air du dénouement d’une suite des mésaventures qui, malheureusement, n’ont pas été décodés à temps dans leur quintessence alors qu’elles sonnaient comme un avertissement. Cet épisode macabre devra sans doute contribuer à réorienter l’artiste par rapport à sa vision du monde et surtout dans ses rapports interpersonnels.

Alain Diasso

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