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La dernière chance de l’Europe ?

Samedi 6 Juin 2015 - 13:45

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La grande presse n’est pas toujours la mieux informée et, par conséquent, la mieux à même de décrypter les évènements en cours ou à venir de par le vaste monde. Si bien que tout observateur averti se doit de dépasser les médias de grande information et d’aller chercher les analyses là où on ne les attend pas.

En voici une preuve, relevée parmi bien d’autres.

Dans un livre qui vient de paraître à Paris, l’ancien président de la République Française, Valéry Giscard d’Estaing, dit, à haute et intelligible voix, l’inquiétude que suscite l’évolution actuelle de l’Union européenne. Intitulé « Europa. La dernière chance de l’Europe » (1), cet ouvrage détaille sans complaisance les raisons de l’enlisement d’une communauté qui avait tout pour devenir une grande puissance mondiale, mais qui se transforme au fil des ans en une Tour de Babel sans autorité, ni capacité d’influence.

Relayé par une interview que publie la revue trimestrielle La Cohorte, organe de la Société des membres de la Légion d’honneur, le jugement porté par l’un des hommes d’État qui connaît mieux que personne la problématique européenne peut être résumé dans les deux phrases suivantes :

° La première : « L’esprit initial du Traité de Maastricht a été perdu de vue alors que le texte prévoyait des avancées importantes… Si l’entrée en vigueur de la monnaie  unique a permis à l’Europe  de voir le jour, nous sommes encore loin d’avoir une politique économique et budgétaire commune ».

° La deuxième : « L’erreur qui rend aujourd’hui l’Europe si difficile à gérer est l’entrée d’un grand nombre de pays dans l’Union après la chute du Mur de Berlin, sans qu’ait eu lieu la préparation indispensable. Ces élargissements ont été trop rapides ».

Pour sortir l’Europe de l’impasse dans laquelle elle s’enferme inexorablement, Valéry Giscard d’Estaing préconise dans son livre une solution aussi simple que difficile et délicate à mettre en œuvre : constituer un petit groupe de pays décidés à « franchir une nouvelle étape de l’intégration européenne ». Idée simple qu’il résume en ces termes : « Pour être clair, il s’agit des États qui ont accepté de participer à la création de la monnaie européenne, qui sont acquis à l’idée de lui donner son complément d’intégration et qui connaissent un niveau de développement économique et social et une fiabilité de leurs institutions juridiques qui rendent cette option vraisemblable ».

Le schéma d’une Europe à deux vitesses proposé par l’ancien chef d’État est a priori séduisant car il peut, en effet, résoudre les problèmes que l’élargissement trop rapide de l’Union Européenne vers les pays de l’Est a générés au lendemain de l’effondrement de l’Union soviétique. Mais s’il est retenu, il sera infiniment plus difficile à mettre en place que ne le pense et ne le dit Valéry Giscard d’Estaing. Pour la simple raison que la méfiance ne cesse de grandir entre les peuples du Vieux continent et que l’on voit mal comment leurs dirigeants se résigneraient à courir le risque d’une remise en cause des structures existantes.

Ce qui est certain, en revanche, c’est que si les Européens ne parviennent pas rapidement à surmonter les obstacles qui bloquent leur avancée sur la voie de l’union politique, leur communauté se désagrègera. Une telle perspective est certainement à l’origine de la politique menée par la Russie qui vise à reconstituer un cordon sanitaire sur ses marches occidentales, mais aussi de la politique menée par les États-Unis qui vise, elle, à renforcer sa tutelle sur un Vieux continent jugé incapable de coordonner ses actions dans le domaine stratégique.

Dans un pareil contexte, la proposition formulée par Valéry Giscard d’Estaing, aussi séduisante soit-elle sur le plan intellectuel, relève de la quadrature du cercle !

 

  1.  Valéry Giscard d’Estaing : « Europa. La dernière chance de l’Europe ». Préface d’Helmut Schmidt. XO Editions.
Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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