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La France en quête d’Afrique

Samedi 25 Juillet 2015 - 17:43

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Ce que l’accueil réservé le 8 juillet par François Hollande à Denis Sassou N’Guesso avait montré, la visite à Oyo du ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian, l’a confirmé le 24 juillet: la France prend conscience qu’elle ne peut pas continuer à traiter ses partenaires africains comme des alliés de second ordre et que, si elle veut rester dans le groupe très restreint des grandes puissances, il lui faut réviser au plus vite sa politique africaine, admettre que son influence à l’échelle internationale dépend pour une large part de la présence à ses côtés des nations qu’elle tint longtemps sous sa coupe et qui se sont affranchies de sa tutelle. Le mythe de la Françafrique sur lequel ont surfé trop longtemps les hommes politiques et les médias s’étant dissout de lui-même, la réalité politique et stratégique s’impose enfin au plus haut niveau.

Nous ne savons rien ou presque de ce qui s’est dit lors des rencontres de l’Elysée et d’Oyo. Mais la manière dont l’une comme l’autre ont été organisées et la satisfaction évidente affichée par les deux parties à leur issue ne laisse aucun doute  sur le fait qu’à l’ère des malentendus entre le Congo et la France succède une ère de compréhension réciproque dont devraient sortir de grandes avancées. Tout indique que nous en aurons rapidement la preuve dans différents domaines, dans celui de la sécurité particulièrement.

Ce qui se passe sous nos yeux ne doit évidemment rien au hasard. Il était pour ainsi dire écrit par avance même si cela ne se voyait pas car le Congo comme la France n’avait rien à gagner à une dégradation de leurs relations qui, à terme et si l’on n’y prenait garde, pouvait déboucher sur une rupture.

° Le Congo, qui amorce une évolution de sa gouvernance interne aussi nécessaire que délicate, doit simultanément faire face à une déstabilisation de l’Afrique centrale qui menace directement ou indirectement ses avancées. La guerre civile en Centrafrique, les troubles récurrents dans l’Est de la République démocratique du Congo, la montée de l’Islamisme radical aux frontières du Tchad et du Cameroun font craindre un enchaînement de crises que seule l’aide de la communauté internationale peut aider à résoudre. Et dans ce contexte la France joue par définition un rôle primordial puisqu’elle peut amener les puissances occidentales à s’engager plus avant dans la prévention et la gestion des conflits. Effacer les malentendus qui existent entre les deux pays est donc bien un enjeu majeur dans le moment présent.

° La France, quant à elle, se trouve confrontée à l’un des problèmes plus graves qu’elle ait eu à résoudre dans son Histoire. Elle doit en effet préserver sa stature internationale, mais dispose pour cela de moyens financiers, techniques, militaires de plus en plus faibles en raison de la crise économique et sociale qui la frappe. Seule elle n’a aucune chance de se tirer de ce mauvais pas et devra s’incliner devant l’Allemagne qui a su profiter de sa réunification pour devenir la première puissance de l’Europe et devant l’Angleterre qui bénéficie du soutien sans faille des Etats-Unis. Elle n’a pas d’autre issue que de se rapprocher de ses partenaires africains afin qu’ils appuient sa diplomatie dans les enceintes internationales et, surtout, qu’ils l’assistent dans ses actions extérieures comme le fait actuellement le Congo en Centrafrique.

La France en quête d’Afrique n’a rien d’illusoire. Mais ce grand dessein ne se concrétisera que si les Français réapprennent l’Afrique, c’est-à-dire cessent de considérer leurs partenaires avec commisération, s’abstiennent de porter sur leur gouvernance interne des jugements aussi définitifs que décalés par rapport à la réalité, ne s’immiscent plus directement ou indirectement dans leur gouvernance, écoutent les avis et jugements de leurs dirigeants, bref évacuent de leur tête les relents de l’ère coloniale qui perturbent leur jugement.

 

 

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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