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La nouvelle Route de la soie

Lundi 5 Juin 2017 - 11:57

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Il fut une époque où la Chine, minée par les affrontements idéologiques générés par le Maoïsme et la Révolution culturelle, vivait repliée sur elle-même, coupée plus ou moins du monde. Colonisée un temps tout au long de ses côtes par les puissances occidentales, puis agressée par le Japon durant la seconde guerre mondiale elle avait semblé tirer définitivement un trait sur l'époque où elle commerçait avec le reste du monde grâce à la Route dite « de la soie » qui permettait à ses commerçants de vendre leurs produits jusqu'au cœur de la très lointaine Europe.

Or voici qu'au terme d'une nouvelle révolution, silencieuse et pacifique celle-là, la plus haute autorité du pays, Xi Jinping, a lancé son pays dans un projet dont la concrétisation pourrait bien changer de façon radicale les rapports de force existant entre les puissances qui dominent la gouvernance mondiale depuis près de quatre-vingt ans. Car c'est bien l'objectif que vise le projet de « Nouvelle route de la soie » lancé par le président chinois dès son arrivée au pouvoir en 2013 et dont il a précisé l'ambition le 14 mai dernier lorsqu'il a lancé, à Beijing, les travaux du Forum "Ceinture et Route" qui a réuni pendant deux longues journées  vingt-neuf chefs d'Etat et de gouvernements venus du monde entier.

Doté de moyens financiers considérables  - 40 milliards de  dollars auxquels vont s'ajouter les 100 milliards de yuan, soit 16 milliards de dollars, annoncés lors du forum par le président chinois -  le Fonds de la Route de la soie portera de façon concrète l'ambition de la Chine de devenir, à échéance d'une dizaine d'année, la première puissance économique mondiale. Un objectif qui n'a rien d'irréaliste pour un pays où vivent un milliard deux cents millions d'êtres humains, dont le taux annuel de croissance tourne autour de 6 %, qui est aujourd’hui le plus grand marché du monde et dont l'inventivité dans les nouvelles technologies ne cesse de s'affirmer.

Parfaitement conscientes de la révolution qui se prépare au plan planétaire et qui verra, dans le demi-siècle où nous vivons, l'Afrique s'imposer comme l'un des plus grands, sinon même le plus grand marché du monde, les autorités chinoises y placent maintenant leurs pions les uns après les autres avec une détermination qui ne cesse de s'affirmer. Alors que le continent noir, à l'exception de sa côte orientale, n'avait jamais figuré dans le passé parmi les marchés que visaient ses commerçants il figure désormais, dans sa totalité, au cœur même de la stratégie de la Chine avec une volonté affirmée de jouer un rôle essentiel dans la longue marche du continent vers le développement durable.

Dans ce contexte éminemment stratégique l’Afrique centrale, qui n’occupait jusqu’à une date récente qu’une place secondaire dans les options de la Chine, devient en quelque sorte une priorité. Sa dimension humaine, son dynamisme économique, ses richesses naturelles font qu’en dépit des troubles internes qui la rongent cette partie du monde est de toute évidence celle sur laquelle il convient de miser. Vu de Beijing le Bassin du Congo entendu dans son sens le  plus large, c’est-à-dire l’ensemble géographique Afrique centrale - Région des Grands Lacs - Golfe de Guinée est désormais un enjeu majeur. Ceci est d’autant plus vrai que les puissances occidentales semblent incapables d’y maintenir leur influence avec une Amérique de Donald Trump en voie de repli sur elle-même comme on vient de le voir avec son retrait de l’Accord de Paris sur le climat et une Europe profondément divisée comme en témoigne le départ du Royaume-Uni de l’Union Européenne.

Le problème que va devoir résoudre la Chine si elle veut que la Route de la soie gagne cette partie du continent promise à toutes les avancées mais où elle n’existait pas ou peu jusqu’à une date récente est de s’adapter à un monde francophone qu’elle connaît mal. Dans le même temps, donc, où elle y développe fortement ses activités bancaires, industrielles, énergétiques elle va devoir porter une attention accrue à l’information, à la culture, à l’art, à la langue. Et de la même façon qu’elle a fait de l’anglais un puissant instrument de sa percée en Afrique australe et orientale, elle va devoir apprendre à utiliser le français pour étendre la Route de la soie à l’Afrique centrale et de l’Ouest.

Voyons comment elle s’y prendra pour accroître son influence dans ce nouveau monde émergent.

 

 

 

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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