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La paix et la culture (suite)

Mardi 16 Décembre 2014 - 17:49

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Pour enfoncer un peu plus le clou, je voudrais ajouter à ce qui précède que les pays occidentaux sont largement responsables  de ce qui se passe aujourd’hui en Afrique noire avec la montée des extrémismes religieux. Car ceux-ci prolifèrent sur le fait que les frontières, donc le découpage territorial de la plupart des États dans cette partie du monde, ont été tracées de façon totalement artificielle à l’époque coloniale.

Au lieu de les rassembler dans des entités cohérentes, ces délimitations territoriales ont en effet coupé et divisé les peuples, interdisant toute véritable unité fondée sur des critères humains ou géographiques, et empêchent donc la formation de véritables États. C’est ce crime historique, car c’est bien d’un crime qu’il s’agit, qui se trouve à l’origine de la plupart des drames que vivent aujourd’hui les pays de cette partie du monde.

Pour donner une idée de l’ampleur des tragédies provoquées hier par le comportement des puissances coloniales et aujourd’hui par la passivité de ces mêmes puissances, je rappelle qu’en moins de vingt ans, dans la seule Afrique centrale, ce sont plus de dix millions d’hommes, de femmes et d’enfants qui ont été massacrés pour des raisons religieuses ou ethniques. Dix millions d’innocents tués dans des conditions atroces et des dizaines de millions d’autres meurtris dans leur chair, détruits moralement et socialement. Le tout dans l’indifférence générale.

Si l’on ajoute à cela le fait que les drames qui se perpétuent actuellement dans l’est de la République démocratique du Congo sont la conséquence du chaos ethnique et religieux entretenu sciemment par les compagnies, occidentales pour la plupart qui s’enrichissent en exploitant illégalement les gisements de matériaux rares comme le coltan et le tantal, ou précieux comme l’or et le diamant, l’on mesure à sa juste valeur la responsabilité qui est celle des nations dites « démocratiques ».

Pour dire les choses de façon crue, l’Occident est responsable pour une large part des horreurs qui se commettent dans cette partie du monde. Il continue, en effet, sous une autre forme la traite négrière et bien entendu il se voile la face tout en administrant des leçons de morale ou de bonne gouvernance à des peuples qui n’ont plus aucun respect pour lui.

Qu’il me soit permis d’ajouter, avant de conclure ce propos, que bien au-delà de ce qui se passe en Afrique centrale, les mêmes Occidentaux, aussi riches que peu au fait des réalités mondiales, se montrent incapables de prévoir ou d’imaginer ce que leurs interventions armées dans les régions en crise provoqueront à coup sûr. Je ne citerai que deux exemples, tous deux accablants, pour illustrer cette ultime  remarque :

  • celui de l’assassinat de Saddam Hussein par les Américains en Irak qui engendra, par ricochets successifs, la percée sanguinaire de ce que l’on appelle aujourd’hui l’État islamique, et qui oblige aujourd’hui les États-Unis à se réengager contre son gré dans cette partie du monde.
  • celui de l’assassinat en Libye de Mouhammar Kadhafi qui permit à des intellectuels déjantés tels Bernard-Henry Lévy de se mettre en avant sous l’œil complaisant des caméras du monde entier, mais qui a déstabilisé durablement toute la zone sahélo-saharienne.

Ces interventions absurdes ont plongé deux régions du monde dans le chaos et sont à l’origine des drames qui se déroulent aujourd’hui tant au Moyen Orient qu’en Afrique du nord. Elles témoignent d’une absence de réflexion stratégique affligeante de la part de grandes puissances qui prétendent œuvrer pour la paix.

Je pense donc que toute réflexion sur la paix et la culture, menée en France comme en Europe et aux États-Unis, devrait être fondée sur la prise en compte de ces réalités, aussi déplaisantes soient-elles pour eux. Si leurs dirigeants ne font pas ce travail et ne prennent pas la mesure de leurs responsabilités dans les drames qui affectent le tiers-monde, ils n’adopteront jamais les bonnes décisions, n’aideront jamais les peuples qui en sont victimes à se débarrasser du fanatisme.

« Apprenons à comprendre la douleur de l’autre. Travaillons ensemble pour la justice et pour la paix ». Cet appel, lancé par le pape François, le 26 mai 2014 à Jérusalem, ne sera entendu que si les nations qui ne cessent de donner des leçons au monde entier reconnaissent enfin leur responsabilité dans les drames qui rabaissent l’homme au rang des animaux.

Jean-Paul Pigasse, (1) Cette réflexion a été présentée le 12 déc

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