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La révolution tranquille du Pape François

Samedi 6 Août 2016 - 14:15

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Lentement mais sûrement le successeur de Benoît XVI sur le Trône de Pierre prend, comme on dit, ses marques. Ayant vécu l'essentiel de sa vie religieuse au cœur de l'Amérique latine, dans la mégapole de Buenos-Aires, il avait eu en dépit des apparences quelque difficulté à prendre la mesure des problèmes qu'il lui faudrait résoudre au sein de  la puissante et pesante machine qu'est la Cité du  Vatican. Mais trois ans après son élection il affirme un peu plus, chaque jour qui passe, sa volonté de réformer en profondeur l'institution deux fois millénaire qu'il gère temporairement.

En témoigne avec autant de finesse que d'éloquence le processus qu'il vient de lancer pour donner aux femmes la place qui devrait naturellement leur revenir au sein de l'Eglise catholique. Convaincu à juste titre  que celles-ci peuvent et doivent jouer un rôle essentiel dans la modernisation de l'institution il a  créé un comité de douze personnes chargé de proposer les réformes qui permettront à terme plus ou moins rapproché d'équilibrer le pouvoir en son sein en ouvrant le diaconat aux femmes. Si le principe de leur ordination, c'est-à-dire leur droit  de célébrer la messe et d'administrer les sacrements, n'est pas encore ouvertement avancé il figure de facto en  bonne place dans les changements qui marqueront d'un sceau indélébile le pontificat du Pape François.

Une telle modification, dira-t-on, n'aurait rien de révolutionnaire au sein d'une Eglise où les congrégations religieuses féminines jouent un rôle essentiel et où la Vierge Marie, mère du Christ, occupe une place éminente dans la croyance en un Dieu unique. Mais elle humaniserait encore un peu plus l'Eglise et s'inscrirait dans le mouvement irréversible qui permet à la femme de devenir l'égale de l'homme dans les sociétés modernes. Alors que de nombreuses confessions, de par le monde, s'enferment dans la relégation religieuse de la femme l'Eglise Catholique, à l'instar des églises protestantes, franchirait en effet un pas décisif sur la voie de la modernité.

Rien, aujourd'hui, ne permet de croire que l'Eglise y parviendra sous l'impulsion du Pape François, mais l’initiative sur le diaconat annoncée à Rome mardi dernier s'insère de façon manifeste dans le programme que celui-ci a inscrit dès le début de son parcours et qui modifiera en profondeur les règles régissant l'institution. De la même façon que son refus d'occuper, au sein de la Cité du Vatican, les appartements pontificaux qui lui étaient dévolus pour s'installer dans la modeste Résidence Sainte Marthe témoignait de sa volonté de rompre avec les usages romains, la remise en ordre des finances du Vatican et la restructuration progressive des différentes institutions de la gouvernance catholique concrétisent la volonté de "rupture" qui inspire le premier Pape issu de la puissante Compagnie de Jésus.

Si la fatigue ou la maladie ne l'en empêchent pas et si une agression extérieure ne met pas un terme prématuré à son parcours comme cela s'est produit à maintes reprises dans l'histoire de l'Eglise, les mois et les années à venir ne laisseront pas de nous surprendre. Ou, plus exactement, de confirmer que les idées émises il y a plusieurs années par de hautes personnalités catholiques et transcrites par le journaliste Olivier Le Gendre - aujourd'hui décédé - dans deux livres, "Confession d'un cardinal" (1) et "L'espérance du cardinal" (2), qui firent grand bruit, n'avaient rien d'utopique mais annonçaient la révolution tranquille que le Pape François engage sous nos yeux.

 

(1) "Confession d'un Cardinal". Editions Jean-Claude Lattès. 2007.

(2)  "L'espérance du Cardinal". Editions Jean-Claude Lattès. 2011.

 

 

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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