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L’Afrique à la croisée des chemins

Lundi 2 Février 2015 - 11:52

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Le sommet qui vient de se tenir à Addis Abeba l’a confirmé de façon claire : ou bien l’Afrique se décide à prendre elle-même son destin en mains et tous les espoirs lui seront permis; ou bien elle se contente de parler sans vraiment agir pour la sécurité de ses peuples et le désordre qui menace des régions entières du continent s’étendra inexorablement. Le débat, dira-t-on, n’est pas nouveau. Il nourrit, en effet, depuis des années les discussions au sein même de l’Union africaine, mais il prend aujourd’hui une réelle acuité en raison des crises qui ne cessent de s’étendre, menaçant la stabilité de zones immenses qui, jusqu’alors, vivaient dans la paix.

Rendons, sans flagornerie, à César ce qui revient à César : depuis près de trente ans le président du Congo, Denis Sassou N’Guesso, plaide la cause d’une Afrique responsable, dotée d’institutions et de moyens d’action suffisamment puissants, donc efficaces, pour prévenir et gérer elle-même les crises qui menacent sa stabilité. À travers ses livres, ses discours, ses interventions publiques et privées de toute nature, il ne cesse d’attirer l’attention de ses pairs sur la nécessité d’agir afin de conjurer le mauvais sort en édifiant un système de maintien, ou de restauration de la paix capable d’agir à l’échelle du continent. Et c’est bien lui qui a lancé en 2003, par le canal de  la revue Géopolitique Africaine, l’idée de mettre sur pied un « Pacte panafricain contre l’agression »  qui permettrait aux États de prévenir les crises à venir, pacte adopté deux années plus tard, le 31 janvier 2005, lors du sommet d’Abuja, mais qui n’a toujours pas permis à l’Afrique de construire un système de sécurité efficace (1).

Les évènements dramatiques qui se déroulent aujourd’hui en Afrique de l’ouest, comme en Afrique orientale, comme en Afrique centrale prouvent que le président du Congo avait raison. Ils démontrent aussi, hélas ! que les dirigeants du continent n’ont toujours pas pris la mesure du poids, donc de l’influence qui pourrait être la leur dans la sphère internationale s’ils se décidaient enfin à agir ensemble. Et c’est bien là le problème  que l’Afrique va devoir résoudre dans les mois et les années à venir si elle veut réellement se protéger contre les dangers qui la menacent de l’intérieur, si elle veut empêcher la réédition des erreurs dramatiques que provoque inéluctablement l’intervention anarchique des puissances extérieures au continent – cf. l’assassinat du guide libyen  Mouammar Kadhafi –, si elle veut fonder sur des bases solides sa longue marche vers le développement durable.

Ne nous faisons pas d’illusion, la construction d’un système de sécurité à l’échelle continentale sera long et difficile : long parce que l’on ne bâtit pas un   tel instrument en un jour ni même en dix ans,  difficile parce que les divergences existant entre les États africains constituent un obstacle majeur à cette coopération même si les déclarations officielles affirment haut et fort le contraire.

Conclusion évidente : c’est dans le cadre régional entendu au sens géographique et humain du terme – CÉDÉAO pour l’Afrique de l’Ouest,  CÉÉAC pour l’Afrique centrale, Sadc pour l’Afrique australe, EAC pour l’Afrique de l’est, UMA pour le Maghreb arabe – que s’édifieront dans un avenir proche les ensembles stratégiques capables de mettre les peuples africains à l’abri des guerres et des crises qui les menacent aujourd’hui. Ceci ne veut pas dire qu’une coordination est impossible ou illusoire à l’échelle du continent et dans le cadre de l’Union africaine, mais cela signifie que les actions concrètes, sur le terrain, devront être organisées région par région et non globalement.

Les États africains ne seront crédibles aux yeux des puissances extérieures au continent que s’ils manifestent leur volonté d’agir de façon  réaliste, c’est-à-dire en s’organisant dans un cadre régional et non à l’échelle continentale qui demeure très utopique. Et comme cet appui s’avère indispensable tant sur le plan technique que sur le plan financier, ils vont devoir s’organiser selon ce schéma.

Telle est, à nos yeux en tout cas, la leçon qu’il convient de tirer du sommet qui vient de se tenir à Addis Abeba.

 

 

  1. Le président du Congo a rappelé à de nombreuses reprises, ces dernières années, le rôle que l’Afrique peut et doit jouer dans sa propre sécurisation. Relire à ce propos les prises de position publiées, toujours  dans la revue Géopolitique Africaine, à la veille du sommet Afrique-France de Paris en décembre 2013 et du sommet Afrique-Europe de Bruxelles  en avril 2014.
Jean-Paul Pigasse

Edition: 

Édition Quotidienne (DB)

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