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L’Aide publique au développement : un mal nécessaire pour l’Afrique ?

Jeudi 2 Novembre 2017 - 14:15

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En 2000, l’ONU fixa 8 Objectifs de développement du millénaire (OMD) à atteindre en 2015 par les pays pauvres, financés par l’Aide publique au développement (APD). Celle-ci regroupe les fonds octroyés par les pays et organismes publics des pays industrialisés aux pays pauvres, pour réduire les écarts de développement. L’APD comprend 80% de dons et 20% de prêts accordés au taux d’intérêt préférentiel. Depuis 1970, l’ONU a fixé son taux à 0,7% du PNB des pays riches. Quelle est son efficacité ?

En effet, 150 pays du monde ayant un revenu annuel par habitant inférieur ou égal à 12745 $ en 2013 sont éligibles à l’APD. Ils ont reçu 70,9 MD $ en 2000, et 92 MD $ en 2004 puis 123 MD $ en 2013 et 131,6 MD $ en 2015 (OCDE, 2016). Cinq donateurs sur les 28 atteignent la norme de 0,70% du PNB : la Norvège (1,11% du PNB), le Luxembourg (1%), la Suède (0,94%), le Danemark (0,75%), le Royaume Uni (0,7%) et l’Allemagne (0,70%).

L’APD reçue par l’Afrique a été multipliée par 2,2 en 15 ans, en passant de 23,12 MD $ en 2000 à 51 MD $ en 2015 (BAD, 2017). Les Etats-Unis contribuent à 3% en 2000 contre 18% en 2015, l’Union européenne 23% à 16%, l’IDA 9% à 10%, le Royaume-Uni 8%, l’Allemagne 3% à 6%, la France 41% à 4%, les Emirats arabes unis 2% à 6%. La répartition par secteurs montre que les secteurs les plus bénéficiaires d’aide sont le social et l’administration avec : 35,9% en 2000 contre 43% en 2015, la production 4,8% contre 10%, le multisectoriel 5,42% contre 9%, la sécurité et l’humanitaire 3,25% contre 9%. Les secteurs les moins financés sont l’économie qui ne représente que 30,26% contre 18%, l’assistance 12,58% contre 8%, et les autres secteurs 8,32% contre 2%. Dans ces conditions :

- seulement trois OMD sont relativement satisfaisants, dont le partenariat pour le développement qui a généré en 2000, l’équivalent de 2,6% du PIB de l’Afrique au titre de l’APD, puis 3,9% en 2003 pour chuter à 3% en 2007 et à 2,8% en 2009 avant de retrouver le niveau de 2000 de 2,6% en 2011 et 3,19% en 2015. Pour la promotion de l'égalité des sexes et de l'autonomisation des femmes, sur 12% des femmes parlementaires en 1990, l’Afrique est passée à 25% en 2013. La réduction de la mortalité infantile est passée de 150% de décès des enfants de -5ans en 1990 à 98% en 2012. Quant à la santé maternelle, sur les 575 décès maternels en 1990, il n’y a plus que 289 décès en 2013. Le taux de prévalence du Sida de 5,5% des 15-45 ans en 1990 est passé à 4,6% en 2012 ;

- cinq OMD n’ont pas été atteints, notamment la réduction de moitié de la pauvreté en Afrique où le taux de pauvreté de 57% en 1997 est passé à 48% en 2015 de la population vivant avec moins de 1,25$ par jour. La réduction de moitié de l'extrême pauvreté et de la faim, mesurée par le taux d’apport de calorie minimale qui est passé de 33% en 1990 à 25% seulement en 2013. Assurer l'éducation primaire pour tous, avec seulement 17 pays qui ont atteint un taux net de scolarisation de 75%. La gestion durable de l’environnement, avec un taux de proportion du couvert forestier qui est passé de 31,2% en 2000 à 28,1% en 2012. La proportion de la population vivant dans les bidons villes est de 65% en 1990 contre 62% en 2013.

Or, les critères d’évaluation de l’efficacité de l’aide fixés par la déclaration de Paris du 2 mars 2005, et développés dans le Programme d'action d'Accra en 2008, formant la norme de la coopération, ne réduisent pas les inégalités. Ni l’appropriation de l’aide par les receveurs qui devaient l’intégrer dans leurs propres stratégies nationales de développement, ni l’alignement des donneurs qui harmoniserait leurs actions, compte tenu de la gestion fondée sur les résultats, n’engagent point la responsabilité conjointe des parties. Sur les 100$ reçus d’APD, 60% sont alloués à l’achat des biens et services dans les pays donateurs, 25% en commissions occultes, 12% en salaires des experts des pays donateurs et 3% seulement à la population africaine.

D’où, la nécessaire mobilisation des ressources propres de l’Afrique qui sont plus importantes que l’ADP, notamment des transferts de fonds des travailleurs immigrés évalués à 41,7 MD $ de 2005-2009, puis à 63,7 MD $ en 2013 et à 64,8 MD $ en 2015 ; et des recettes fiscales passées de 351,8, à 541 et 436,8 MD $, à condition d’éradiquer l’endémique corruption.

Ainsi, mal orientée et mal gérée, l’APD accroît les écarts de développement. Sa maîtrise exige le respect de la norme de coopération par chaque partie et le ciblage des projets structurants, afin que l’APD soit affectée directement à leurs porteurs et en devienne un puissant levier financier en synergie avec les ressources internes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Emmanuel Okamba,maître de conférences HDR en sciences de gestion

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Édition Quotidienne (DB)

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