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Le bulletin de santé du terrorisme

Samedi 20 Août 2016 - 13:30

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Y aurait-il médecin plus assermenté pour délivrer un papier sur l’état de santé du terrorisme que les crimes imputés à cette mouvance à travers le monde ? Non seulement ses adeptes ont apporté une touche d’extravagance à leur modus operandi en donnant la mort à autrui par tous les moyens possibles, mais ils ont réussi à mondialiser et communautariser l'instinct sécuritaire : dorénavant, les Etats, même les plus puissants, sont sur le qui-vive, les terroristes ayant mis dans la tête des peuples de toutes les régions du monde qu’ils existent bel et bien, sont en mesure de frapper où et quand ils voudront. Si ce fut un patient passé en consultation, les cliniciens n’auraient eu de peine à répéter le résultat de l’auscultation :" va ! terrorisme, tu te portes bien !"

Il est une autre réalité pourtant : la nébuleuse terroriste subit partout des pertes énormes, des revers accablants. Parce qu’elle a choisi de braver les Etats, ceux-ci ont à leur tour mis en œuvre des méthodes pour ne pas lui laisser le temps de prospérer. Conscients de combattre un ennemi tout autant invisible qu’imprévisible, les gouvernements songent à constituer des coalitions à même d’éradiquer cette menace existentielle qui n’est plus une simple vue de l’esprit. Cela sera une guerre de longue haleine, elle coûtera aux économies des Etats, aux familles et à la vie tout court.

La question que l’on peut se poser, devant ce qui semble être pour toute l’humanité un saut dans l’inconnue, est de savoir si les réponses proposées par les Etats à la menace terroriste sont adaptées. Ou, encore si elles sont de nature à résoudre définitivement l’équation. En apparence non, si l’on considère le résultat sur le terrain. Exemple : en 2001, à la suite des attentats du 11 septembre aux Etats-Unis, la première puissance mondiale s’attacha la solidarité de plusieurs alliés pour intervenir en Afghanistan. Le but était de chasser les Talibans du pouvoir à Kaboul, attendu qu’ils étaient considérés comme des suppôts des actes terroristes perpétrés sur le sol américain. Quinze ans après, le conflit est loin de se terminer.

Les cas de l’Irak, de la Syrie, du Yémen, de la Libye, nations entrées dans un cycle infernal de guerres civiles et de violences, sont emblématiques de l’enlisement des interventions conduites par des puissances extérieures. Par ces immixtions parfois sommairement préparées, les grandes puissances ont donné le top, on ne dirait pas sans le savoir, mais peut-être sans le vouloir, au départ du feu qui conditionne à son tour celui des abeilles de la ruche.  En règle générale, les bestioles ainsi libérées s’en prennent sans façon aux personnes qui se trouvent dans leur sillage. Comme ces bestioles se reconnaissent entre elles, l’instinct naturel les pousse à se reconstituer une nouvelle fourmilière. Elles se comporteront de la même manière chaque fois qu’elles seront mises dans les conditions de se débander.

Le plus difficile, dans la lutte engagée contre le terrorisme dit djihadiste qui sévit de nos jours, est que celui-ci a essaimé partout : des groupuscules organisés, plus ou moins interconnectés, aux loups solitaires qui agissent parfois de leur propre chef, par leurs propres moyens, mais toujours avec le sentiment de prendre part à la bataille, il devient difficile de situer la région d’ancrage des terroristes. A telle enseigne que même lorsque ceux parmi eux qui rêvent d’un Etat islamiste sculpté aux frontières de la Syrie et de l’Irak auront échoué dans leur projet, le fléau du terrorisme continuera de poser de réels problèmes de sécurité aux quatre coins de la planète.

Les puissances qui les prennent en chasse dans leurs zones de prédilection (Syrie, Irak, Libye, Afghanistan) sont en revanche tellement antagonistes que leur engagement sur les théâtres d'opérations se révèle inéfficace parce que très peu coordonné. Difficile, dans ces conditions, d'atteindre les buts escomptés. Ceux qui, au regard de ce tableau inquiétant prédisent une troisième guerre mondiale opposant les Etats aux extrémistes de tous bords ne sont pas moins réalistes qu’on le croit. Car les rivalités entre grandes puissances seront toujours du pain béni pour les marginaux, même quand le projet politique qui les unit est d'avance voué à l'échec.

Gankama N'Siah

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Édition Quotidienne (DB)

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