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Le cancer qui ronge l’Europe

Lundi 17 Août 2015 - 12:45

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Il aura fallu que des milliers de migrants meurent noyés au large des côtes grecques et italiennes pour que l’un des principaux dirigeant du Vieux Continent,  la Chancelière allemande Angela Merkel, se décide à reconnaître publiquement que l’afflux des migrants vers l’Europe du sud génère aujourd’hui la crise la plus grave à laquelle l’Union européenne se trouve confrontée depuis sa création. Ayant fermé les yeux pendant des décennies sur la détresse des hommes, des femmes et des enfants qui recouraient à cette action désespérée pour échapper au destin tragique les guettant dans leur pays d’origine, les Européens n’ont plus d’autre solution que de regarder la vérité en face, c’est-à-dire de reconnaître leur responsabilité dans les tragédies qui se produisent à leur porte.

Les drames qui se déroulent tous les jours au large des côtes nord de la Méditerranée sont en effet  la conséquence directe des erreurs, pour ne pas dire des crimes, que les Européens ont commis dans leurs rapports avec le Sud. Ayant exploité pendant plusieurs siècles les ressources naturelles de l’Afrique, du Proche et du Moyen-Orient sans se soucier d’aider les peuples qu’ils asservissaient à se doter des moyens institutionnels, administratifs, sociaux, techniques, financiers et autres qui leur auraient permis de se développer, les peuples du Nord ont généré le désordre qui pousse aujourd’hui les migrants vers le Nord.    

Ils sont d’autant plus coupables que dans les deux dernières décennies leurs dirigeants ont ajouté au bilan désastreux de l’ère coloniale une série d’erreurs politiques et stratégiques qui a achevé de déstabiliser les zones géographiques où ils s’étaient implantés par la force. Pour  ne citer que ces trois exemples, la guerre artificielle menée en Irak par les Américains, l’assassinat programmé de Mouammar Kadhafi en Libye et la tentative, jusqu’à présent avortée, d’éliminer Bachar al Assad en Syrie ont contribué de façon dramatique à lancer les populations de ces pays dans des tentatives désespérées d’échapper au sort qui les guette. En transformant la région du Sahel en zone de non droit où se développent tous les trafics et en laissant les milices islamiques prendre le contrôle d’une partie du Proche Orient, les Occidentaux ont soulevé le couvercle d’une marmite d’où s’échappent aujourd’hui, et s’échapperont sans doute longtemps, les pires démons.

Même s’ils affirment le contraire et tentent de faire croire à leurs peuples qu’ils trouveront vite une solution au problème de l’immigration sauvage, les dirigeants européens se sont enfermés dans une impasse qu’ils auront le plus grand mal à franchir. Dès lors, en effet, qu’un homme ou une femme se sait condamnée à mort avec ses enfants là où ils vivaient jusqu’alors dans une paix relative, l’on peut tenir pour certain qu’ils mettront tout en œuvre pour échapper au destin qui les guette. Ceci veut dire que là où l’on compte présentement des milliers de migrants, ce seront demain des dizaines, des centaines de milliers d’êtres humains qui se précipiteront vers l’Europe par les voies les plus diverses. Et rien, absolument rien ne pourra empêcher, ni même ralentir ce mouvement.

La seule solution qui permettrait de résoudre le problème de l’immigration  dite « sauvage » est la mise en place d’une politique d’aide au développement et à la sécurisation des pays du Sud qui garantisse à leurs peuples qu’ils pourront vivre en paix là où ils vivent. Plutôt donc que de donner sans cesse des leçons de bonne gouvernance aux dirigeants africains et arabes, les pays européens feraient bien de se pénétrer de cette évidence et de prendre dès à présent les dispositions qui s’imposent. Alors, en effet, ils auraient une chance de guérir la plaie purulente qu’ouvre chez eux l’afflux des migrants.

 

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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