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Le chef de quartier avant les indépendances

Jeudi 27 Août 2015 - 14:42

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Le chef de quartier joue le rôle de courroie de transmission entre l’autorité administrative et les populations. Son charisme dans le quartier en fait un véritable patriarche. Dans le règlement des conflits de vicinité, il fait autant appel au droit coutumier, essentiellement oral, qu’au droit napoléonien.

Dans un papier publié dans le magazine Vision Pour demain, il y a quelques années, Michel Rombaut écrivait: « En effet, les chefs de quartier avaient pour mission de connaître de tous les délits naissant au sein de la population habitant le quartier, notamment: les vols, les coups et blessures sans gravités, les viols sans grande conséquence médicale, les conflits de parcelles, les adultères, etc. L’intensité de l’aura de ces chefs de quartier était telle qu’elle exerçait un réel empire sur leurs administrés.

C’est pourquoi, au cours des jugements, l’on constatait un calme quasi-religieux, surtout lorsque le chef intervenait. Et les jugements entendus par celui-ci avaient force de loi, parce qu’acceptés par l’autorité judicaire.

C’est important de souligner que souvent, il arrivait qu’un problème soumis au parquet soit orienté vers les chefs de quartier, lorsque celui-ci ressortissait de la coutume. C’est le cas de la sorcellerie. Il en va de même pour l’adultère.

Pour le droit écrit, l’homme coupable d’adultère, doit être condamné d’une peine de prison, alors que le droit coutumier frappe celui-ci d’une amende à verser au mari cocufié. C’est à ce stade de la palabre que le chef de quartier mettait sa sagesse à l’épreuve, en amenant le mari. à ne pas se séparer de sa femme. L’argument du chef est d’ordinaire tellement efficace qu’il finit par atteindre les fibres sensibles de celui-ci et en même temps amène à résipiscence, la femme adultère. Cela entrait tout naturellement dans ce que la tradition nous a légué.

Lorsque le chef de quartier était confronté à quelques difficultés pour résoudre un problème, les arguments fondés sur la tradition ayant été sans effet, celui-ci s’adressait en dernier ressort au parquet.

Il ya lieu de constater qu’autant les tribunaux réguliers renvoyaient certaines affaires aux chefs coutumiers, autant les chefs coutumiers orientaient les plaignants vers les tribunaux.

Par cette organisation, le colon voulait éviter une rupture trop brutale dans les règlements des conflits dans une société encore attachée à ses us et coutumes.

Le colon n’ignorait pas l’efficacité de nos sages pour le règlement des palabres, sans l’arbre à palabre. Parmi les chefs de quartier de l’époque, certains avaient une auréole particulière, notamment Ibara Joseph, Ngambali, Michel N’Kouka, N’Kéoua Joseph. Le dernier était réputé être le spécialiste des cas d’adultère et de divorce, car il traitait ces problèmes en les entourant d’un humour roboratif, qui détendait l’auditoire. Il trouvait toujours la solution qui réconciliait les parties en conflits».

Les choses ont foncièrement changé depuis la disparition des chefs de quartier historiques, cités plus haut. Une page de notre vie sociale est définitivement tournée. Le chef de quartier était un auxiliaire utile, qui désengorgeait les tribunaux. Autres temps, autres mœurs, dit le proverbe. Aujourd’hui, même pour des cas bénins,  c’est le parquet, c’est le juge, c’est l’avocat, à telle enseigne que les tribunaux se trouvent submergés.

 

MFUMU

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