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Le Congo au cœur de la réflexion européenne ?

Samedi 28 Février 2015 - 11:45

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L’accueil que les plus hautes autorités italiennes ont réservé, la semaine dernière, au président Denis Sassou N’Guesso montre, s’il en était besoin, que le Congo est reconnu désormais par l’un des grands pays européens comme un acteur incontournable de la scène africaine. Certes, les visites précédentes du chef de l’État à Rome avaient toutes été empreintes de chaleur et d’amitié, mais aucune n’avait pris la dimension de celle qui vient de se dérouler et qui ouvre manifestement la voie à des accords bilatéraux de grande ampleur.

Si l’on prend du recul par rapport à l’évènement que nous venons de vivre, on en vient aux conclusions suivantes.

Première conclusion : comme beaucoup de pays dans le monde, l’Italie prend actuellement la mesure du mouvement historique qui projette en avant l’Afrique noire. Très présente jusqu’à présent dans le nord du continent, notamment en Libye, mais peu au fait de ce qui se passait au sud du Sahara, elle découvre maintenant que là, en effet, se jouera dans les décennies à venir une partie décisive sur les plans politique, économique, culturel. Et comme la France ou l’Angleterre, qui tenaient le haut du pavé à l’époque coloniale, ne semblent guère l’avoir compris, l’Italie se hâte d’y prendre ses marques en profitant des liens positifs que sa puissante compagnie pétrolière Eni a su nouer ces dernières années. Une tactique habile qui lui vaudra certainement des avantages substantiels dans le proche avenir.

Deuxième conclusion : dans cette stratégie soigneusement calculée, le Congo occupe une place particulière. D’une part, en effet, il est l’un des rares pays réellement stables de cette partie du monde où l’on peut investir sans courir le risque d’être un jour dépouillé de ses biens ; d’autre part, il occupe au cœur de l’Afrique centrale une position particulière qui lui confère l’avantage décisif d’être la plaque tournante entre le Nord et le Sud du continent, entre le Golfe de Guinée et l’Afrique orientale. Au-delà des ressources naturelles dont son sol et son sous-sol regorgent, il est par définition le lieu idéal à partir duquel un grand pays peut développer ses relations avec l’ensemble du Bassin du Congo, cette communauté humaine où vivent plus de deux cents millions d’habitants et qui en comptera le double à échéance d’un demi-siècle.

Troisième conclusion : de tous les pays africains le Congo est, avec le Sénégal, en Afrique de l’Ouest, celui qui a su le mieux surmonter les blessures de l’époque coloniale. Loin de rompre avec les nations qui l’avaient exploité pendant plus d’un siècle, il a su tirer de ce passé, parfois douloureux, des leçons positives, ce dont témoigne avec éloquence l’élévation au cœur de Brazzaville du Mémorial où reposent aujourd’hui Pierre Savorgnan de Brazza et les siens. À l’heure où les pays européens prennent la juste mesure de la lourde erreur qu’ils ont commise en se désintéressant de l’Afrique au lendemain des indépendances, le Congo apparaît bien comme l’un des pays les plus sûrs du continent, celui avec qui l’on peut coopérer durablement dès lors que l’on participe réellement à son développement durable.

Quatrième conclusion : les évènements tragiques qui se déroulent en Libye et qui sèment le chaos dans l’immense zone sahélo-saharienne montrent à quel point les hommes d’État comme le Président du Congo avaient raison lorsqu’ils tentèrent de faire comprendre aux puissances occidentales, la France en tête, qu’elles commettraient la plus lourde des erreurs si elles se mobilisaient pour abattre Mouammar Kadhafi. Menaçant désormais l’Europe tant par les attentats perpétrés sur son sol que par la vague d’immigration sauvage qu’elle provoque, la pression de l’islamisme radical a convaincu les plus hautes autorités italiennes que leur pays doit contribuer sans plus attendre à l’émergence des pays comme le Congo afin que ceux-ci confortent leur rôle de  pôle de stabilité, contribuant  ainsi à la stabilité de cette partie du monde.

Gageons que ce qui vient de se passer à Rome va être analysé, étudié, soupesé comme il se doit partout ailleurs en Europe et tout particulièrement dans les capitales où circule une image fausse du Congo.

 

 

Jean-Paul Pigasse

Edition: 

Édition Quotidienne (DB)

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