Opinion

  • Réflexion

Le faux pas de la France en Afrique centrale

Lundi 16 Mai 2016 - 16:45

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimableEnvoyer par courriel


Rien n'illustre mieux le fossé qui se creuse inexorablement entre la France et ses partenaires africains que ce qu’il est advenu vendredi lors de la visite éclair effectuée à Bangui par François Hollande.

Outre le fait qu'elle n'a duré que quelques heures, empêchant par conséquent tout contact approfondi avec les autorités de la Centrafrique, l’escale du président français sur la route du Nigéria avait, semble-t-il, pour seul objectif de confirmer la fin de l'opération "Sangaris" qui permettait jusqu'à présent à l'armée française de participer activement au rétablissement de la paix dans ce pays dévasté par la guerre civile. Une attitude justifiée officiellement par les engagements de cette même armée sur divers fronts en Afrique et au Moyen-Orient, mais qui s'avère étrange, pour ne pas dire plus, lorsque l’on considère la réalité sur le terrain.

Même si, en effet, la République centrafricaine a su mener à bien sa transition démocratique avec l'élection du chef de l'Etat Faustin-Archange Touadera, puis l'élection du président de l'Assemblée nationale Karim Meckassoua la paix est loin, bien loin d'être revenue dans un pays en proie à de grands troubles religieux. Tous les observateurs le savent, loin d'avoir baissé la garde les milices des deux camps, chrétien et musulman, dont les heurts avaient plongé le pays dans le chaos, sont en effet plus que jamais à la manoeuvre. Et, sur ce plan au moins, la visite effectuée par le Pape François à Bangui il y a quelques mois n'a rien changé à la situation contrairement à ce qui se dit ou s'écrit ici et là.

Retirer les troupes françaises dans un tel contexte en comptant sur la mission que préparent les Nations unies pour prendre le relais relève de l'utopie, d'aucuns diront même d'une opération peu honorable visant à se laver les mains de la série de drames à venir. Chacun sait, en effet, que les unités hétéroclites de l'ONU, mal entraînées, mal commandées, mal armées sont incapables de neutraliser les forces du mal qui s'emploient à déstabiliser la Centrafrique dans le but affiché de la faire éclater en deux entités.

Face à des groupes armés que financent des puissances extérieures au continent africain dans le cadre infiniment plus vaste de la guerre des religions qui sévit au Proche et au Moyen-Orient, les Nations unies ne peuvent qu'échouer dans leur entreprise visant à instaurer une paix durable dans la région. Elles n’ont aucune chance de prendre efficacement le relais de "Sangaris".

Que ceux qui en doutent considèrent le bilan dramatique des actions engagées au cours des vingt dernières années par l'ONU dans la Région des Grands lacs et en République démocratique du Congo : plus de dix millions de morts, des centaines de milliers de déplacés, des zones géographiques jadis prospères plongées dans un chaos qui n'en finit pas, la prolifération des enfants-soldats, la mise en esclavage sexuel des femmes et des jeunes filles, bref l'un des pires déchaînements de violence qu'ait connu l'humanité au cours des derniers siècles.

L'erreur que commet François Hollande, visiblement mal conseillé et mal informé dans le moment présent, est de croire que le Levant est aujourd'hui plus important que le Bassin du Congo pour les intérêts stratégiques de la France. Cela alors même que son pays se trouve peu ou prou marginalisé dans la recherche que mènent les grandes puissances comme la Russie et les Etats-Unis pour trouver une issue  durable aux conflits qui déchirent le Proche et le Moyen-Orient.

L'Histoire se chargera plus rapidement qu'on ne le croit de démontrer qu'en prenant ses distances avec l'Afrique centrale le chef de l'Etat français commet une erreur toute aussi grave, sinon même plus, que celle commise par son prédécesseur Nicolas Sarkozy lorsqu'il fit intervenir les troupes françaises en Libye afin d’abattre Mouammar Kadhafi.

 

 

 

 

Jean-Paul Pigasse

Edition: 

Édition Quotidienne (DB)

Notification: 

Non

Réflexion : les derniers articles