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Le monde des murs à quelles fins?

Samedi 24 Septembre 2016 - 14:06

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À ceux qui avaient écrit les poèmes les plus colorés, développé les théories les plus accomplies, composé les hymnes les plus enflammés, prononcé les discours les plus réputés pour saluer l’avènement d’une nouvelle ère de solidarité entre les peuples au lendemain de la chute du Mur de Berlin, la réalité les rattrape tous. Car de nouveaux murs de séparation ou de protection ont, depuis, vu le jour. Ils sont plus sophistiqués que celui abattu, un certain 9 novembre 1989 dans l’euphorie de la fin de la guerre froide. D’autres murs sont en cours d’élévation, quelques autres le seront sans doute dans les mois à venir. Ces fortifications bétonnées ou grillagées de rejet du prochain sont jumelles de celles que nous portons en nous, dans nos cœurs, et qui pour solides qu’elles soient montrent aussi combien l’homme est suffisamment fragile et toujours en quête du soutien de son semblable.

La France, pays des Droits de l’Homme est, on le sait, confrontée depuis quelques temps aux pires attentats de son histoire. Elle le vit sur son sol, dans sa chair, met tout en œuvre pour protéger sa population le mieux qu’elle peut : un état d’urgence prolongé une année, cela ne s’était pas vu dans ce pays depuis fort longtemps. La France, courageuse, a appris à vivre avec le stress des attaques terroristes, mais aussi avec un afflux de migrants qu’elle ne peut pas recevoir tous, les Etats fussent-ils les plus sociables ne possèdant pas de territoires redimensionnables à souhait. Mais elle a accepté que sa voisine, la Grande Bretagne, érige à quelques encablures de leur frontière commune, dans la région de Calais, un mur pour se protéger de l’arrivée d’étrangers indésirables. « La Grande Muraille de Calais », nom donné au projet qui s’achèvera à la fin de cette année, se dressera sur ses quatre mètres de hauteur pour un kilomètre de long.

Depuis 2002, pour, explique-t-il, prévenir « des intrusions terroristes », Israël a entrepris de bâtir « un grillage de séparation » d’un peu plus de 700 km à sa frontière avec le territoire palestinien de Cisjordanie. Des voix s’élèvent du côté des Nations unies pour dénoncer une construction « illégale » au regard du droit international, parce que « la barrière de séparation israélienne » phagocyte les terres occupées de Palestine en plusieurs endroits de son parcours. Rien n’y est fait ! Des ONG palestiniennes et israéliennes mobilisent contre ces forteresses, décriant leur impact humanitaire. Elles s’entendent dire par les autorités de Tel Aviv que ces édifications permettent de limiter l’ampleur des attaques visant le territoire de l’Etat hébreux.  

On attend de voir qui de Donald Trump, ou de Hillary Clinton, les deux finalistes à la succession de Barack Obama, les Américains accorderont leurs suffrages, le 8 novembre prochain, pour occuper le prestigieux bureau ovale de la Maison Blanche les quatre prochaines années. Si le premier l’emporte, l’on verra quelles dimensions mesurera le mur qu’il compte ériger pour, scande-t-il, contenir l’immigration clandestine mexicaine. Sa rivale ne voyant pas les choses ainsi, la question migratoire ne se posera pas de la même façon si ses compatriotes la choisissent pour porter leurs espoirs en tant que première présidente de la première puissance mondiale. Mais cette question se posera tout de même.

Il n’est pas besoin de lumière plus éclatante pour voir qu’il se construit, tout doucement, sous nos yeux, un monde recroquevillé sur lui-même. Avec des instances crées pour en pérenniser le vivre-ensemble qui dépérissent faute d’idées novatrices et de moyens de leur politique. Elles sont littéralement dépassées par les événements. En observant les échanges de paroles entre les « Grands » de ce monde pendant l’Assemblée générale de l’Onu, ce mois de septembre à New York, autour de la crise syrienne, on s’aperçoit combien est croissant le degré de ressentiment entre eux : des discours tendus bons pour bâtir des murailles mentales entre les Nations.

Par ailleurs, la crise migratoire faisant son chemin, les risques humanitaires et sécuritaires qui y sont attachés faisant foi, le repli sur soi risque de prendre plus de poids au sein des communautés humaines qui peuplent la planète Terre. N’oublions pas cependant, quel que soit notre penchant pour la protection de nos frontières, que nous avons cette même terre en partage. Et c’est parce que les hommes ont en partage cette terre et sont attirés par le même besoin de s’épanouir qu’il sera difficile pour les Etats de chercher à maintenir une catégorie d’êtres humains plus longtemps derrière les barrières du désespoir.

Gankama N'Siah

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