Opinion

  • Réflexion

Le monde à la recherche d'un nouvel équilibre

Samedi 30 Juillet 2016 - 19:34

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimableEnvoyer par courriel


Que les lignes bougent rapidement sur la scène mondiale, voilà qui ne fait aucun doute. Dès lors, en effet, que l'Europe qui semblait avoir surmonté ses vieilles rancunes se divise à nouveau avec le vote britannique du Brexit, dès lors que les Etats-Unis se préparent à une élection présidentielle à haut risque en raison des excès de langage de Donald Trump, dès lors que la Russie s'arme ou se réarme afin de contenir ce qu'elle interprète à tort ou à raison comme une agression déguisée de l'Alliance Atlantique sur ses frontières occidentales, dès lors enfin que la Chine renforce sa présence en Mer de Chine méridionale et ailleurs pour se préserver de la réédition des invasions qui lui firent tant de mal dans le siècle précédent, l'équilibre mondial ne peut plus demeurer ce qu'il a été pendant les soixante années qui ont suivi la fin de la deuxième guerre mondiale.

Il va de soi que les grandes puissances concernées par la recherche du nouvel équilibre qui conditionnera le climat international dans les prochaines décennies refusent d'admettre publiquement le bien-fondé de ce qui précède. Pratiquant un double langage dont le véritable but est de sauver les apparences, elles évitent de poser publiquement les problèmes qui les opposent et dont l'origine se trouve dans le passé agité qui marqua d'un sceau indélébile la fin du siècle et du millénaire précédents. Et cette attitude peu raisonnable risque de déboucher à plus ou moins long terme sur un déséquilibre que l'humanité pourrait bien payer au prix fort.

L'Europe, en crise ouverte même si ses dirigeants évitent soigneusement de le reconnaître, n'est guère en mesure de peser sur les évènements à venir, ce qui conduit les Etats-Unis à la mettre sous une tutelle déguisée qui ne trompe personne.  Si bien qu'en réalité trois grandes puissances et trois seulement s'affrontent à fleurets mouchetés sur la scène internationale, accroissent et diversifient les moyens militaires dont elles disposent, cherchent de nouvelles alliances afin de renforcer leur influence à l'échelle mondiale, bref se mettent en ordre de bataille pour se protéger de menaces qu'elles jugent aussi fortes que proches.

L'Histoire dira ce qu'il est advenu de la nouvelle "guerre froide" dont nous vivons manifestement les prémices, mais elle a suffisamment démontré dans le passé l'incapacité des Grands à faire taire les démons qu'engendre la puissance pour que le reste de l'humanité se préoccupe dès à présent des conséquences que pourrait avoir ce nouvel affrontement à plus ou moins brève échéance. En gardant présent à l'esprit le fait que les protagonistes ne rassemblent guère plus du tiers de l'humanité et que, par conséquent, ils ne sauraient imposer leurs vues au reste de la planète.

L'une des méthodes les plus sûres que pourraient utiliser les deux-tiers de cette même humanité pour se faire entendre des "Grands" avant qu'il soit trop tard serait d'imposer une réforme en profondeur du système des Nations unies qui est manifestement obsolète, qui ne reflète en rien les rapports de force présents, qui ne laisse qu'une place dérisoire au monde émergent, qui ne protège pas les peuples contre la violence et l'arbitraire. Edifiée en un temps où le "Tiers-Monde", colonisé pour une large part, ne pouvait ni s'exprimer ni se défendre, l'ONU s'est montrée incapable dans les dernières décennies de se réformer de l'intérieur comme elle aurait pu et dû le faire si elle avait pris la mesure des changements en cours sur la planète Terre. Il n'y a donc rien à attendre d'elle dans sa forme présente.

Il est clair, pour nous en tout cas, que les trois grandes puissances qui se font face auraient tout à gagner en aidant les pays émergents à se faire, au sein de la gouvernance mondiale, une place à la mesure de leur importance humaine, géographique, économique et stratégique. Et c'est bien la carte que joue aujourd'hui la Chine dont la présence ne cesse de se renforcer en Afrique tout en évitant soigneusement de se mêler des querelles intérieures des Etats à la différence des pays occidentaux qui croient naïvement pouvoir imposer encore leur mode de gouvernance à des peuples dont ils bloquèrent l'émergence en pillant leurs ressources naturelles pendant des décennies, parfois même des siècles.

Voyons si ce jugement de bon sens sera entendu par ceux auxquels il s'adresse.
 

Jean-Paul Pigasse

Edition: 

Édition Quotidienne (DB)

Notification: 

Non

Réflexion : les derniers articles