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Le pape François et la modernité

Mardi 22 Avril 2014 - 0:01

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Il n’est pas certain, mais il n’est pas non plus impossible que le premier pape issu du tiers-monde parvienne à changer les habitudes d’une Église quelque peu figée sur elle-même, vieille de deux mille ans, qui a survécu à tous les soubresauts de l’histoire, mais qui, jusqu’à l’arrivée du pape François sur le trône de Pierre, n’avait su adapter ses structures au monde moderne. Sans doute le nouveau pape multiplie-t-il les gestes symboliques destinés à marquer sa volonté de rapprocher la hiérarchie catholique des fidèles qui constituent le fondement de l’Église, mais la pesanteur de l’institution est telle qu’on l’imagine mal se réformer de l’intérieur au rythme voulu par le Saint-Père.

D’où cette question quelque peu iconoclaste : le pape François aura-t-il la force, la volonté aussi, de suivre jusqu’à son terme la voie qu’il a tracée en s’installant au Vatican il y a un an ?

Il est clair, pour qui observe la scène avec tant soit peu d’attention, que la détermination dont fait preuve le nouveau pape modifie radicalement le regard que le monde extérieur porte sur l’Église. Mais de là à conclure que celle-ci va à coup sûr se transformer en se rapprochant des fidèles, il y a un fossé que l’on ne peut franchir, en tout cas pour l’instant. La maladie, la mort, mais aussi la fatigue, la lassitude, le découragement peuvent en effet gagner à tout instant cet homme courageux qui, depuis des décennies, consacre sa vie aux plus défavorisés et qui, lentement mais sûrement, approche du moment où son corps comme son esprit aspireront à la paix éternelle.

Parce qu’il vécut longtemps dans un pays en proie à de grands troubles et parce qu’il exerça son sacerdoce dans les quartiers déshérités d’une immense métropole, Buenos Aires, le pape François n’ignore rien du cadre difficile dans lequel évolue aujourd’hui la plus grande partie de l’humanité. Il connaît mieux que quiconque le fossé qui sépare la Cité du Vatican des milliers de paroisses et de diocèses disséminés sur toute la surface du globe qui constituent aujourd’hui la base de la puissante institution dont il a temporairement la charge. Et c’est pourquoi on l’a vu, dès son élection par le Sacré Collège, s’attacher résolument à réformer la gouvernance de l’Église, à clarifier les finances du Vatican, à ouvrir ses plus hautes instances en direction du monde émergent.

Le plus dur, cependant, reste à accomplir car l’influence, pour ne pas dire le pouvoir, des évêques, des cardinaux, des congrégations religieuses du Nord demeure intacte à Rome et ne semble pas près de s’affaiblir même si le Sud est devenu, de façon évidente, le moteur de l’Église catholique puisque deux tiers au moins de ses fidèles y vivent. Formé au sein de la très puissante et très influente Compagnie de Jésus, le pape François sait parfaitement que pour mener à bien les réformes de fond qu’impose aujourd’hui la mise à niveau de l’Église qu’il dirige il lui faut agir avec prudence, prendre son temps, tenir compte de toutes les opinions, expliquer et convaincre plutôt qu’imposer, démontrer en définitive qu’il n’est pas d’autre voie possible que celle du retour aux origines du catholicisme.

De tous les défis qui lui sont lancés par l’époque où nous vivons, l’un des plus grands, des plus stratégiques est celui de l’ouverture des instances dirigeantes de l’Église vers le monde émergent. Amorcé avec une habileté consommée dans les premiers mois de son pontificat, ce grand mouvement sera-t-il poursuivi avec le même talent, la même volonté ?

Jean-Paul Pigasse

Edition: 

Édition Quotidienne (DB)

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