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Le pape François et la paix

Lundi 2 Juin 2014 - 0:30

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Nul ne saurait dire aujourd’hui ce qui naîtra de la prière commune qui doit réunir le 10 juin au Vatican le pape François, le président israélien Shimon Peres, et le président palestinien Mahmoud Abbas. Mais le geste est suffisamment fort pour que l’on tente d’en décrypter par avance les effets.

De tous les conflits qui menacent aujourd’hui la paix dans le monde, celui qui oppose Israéliens et Palestiniens est sans aucun doute l’un des plus dangereux. Cela pour toutes sortes de raisons, dont trois au moins sont explosives : un affrontement religieux larvé mais bien réel qui remonte à l’Antiquité, une dispute territoriale ouverte entre frères ennemis qui ne cesse de s’étendre, et un recours à la violence directe ou indirecte qui s’aggrave inexorablement au fil des ans faute de véritable dialogue entre les protagonistes du drame.

Du chaudron de sorcière qu’est devenu le contentieux entre Israéliens et Palestiniens peut surgir à tout instant un conflit qui mettrait en péril la paix mondiale puisqu’il impliquerait à coup sûr des puissances majeures, provoquerait inévitablement une escalade militaire sans précédent dans l’histoire moderne, déstabiliserait durablement le Proche et le Moyen-Orient, conduirait vraisemblablement à la fermeture brutale du détroit d’Ormuz par où transitent les cargaisons de pétrole nécessaires aux grands pays industriels. Autant de considérations qui avaient conduit ces dernières années les États-Unis à tenter de s’entremettre entre les belligérants ; sans succès, hélas, comme l’a montré récemment l’échec cuisant des actions entreprises en faveur de la paix par le vice-président américain, John Kerry.

La prière peut-elle réussir là où la diplomatie a échoué ? Telle est la question qui se pose en ce moment très particulier de l’histoire moderne où le pape François, ayant posé son front contre la « barrière de sécurité » qui sépare Israéliens et Palestiniens, puis contre le « mur des Lamentations » à Jérusalem, invite les présidents des deux nations antagonistes à méditer sur la paix, la vie, la mort, la fraternité ; leur propose donc de prendre du recul par rapport à l’immédiat afin de demander à la puissance divine d’indiquer aux humbles mortels qu’ils sont la voie qui conduira à la paix.

Tout semble indiquer a priori qu’une telle démarche relève de l’utopie, du rêve, de l’illusion, et que, par conséquent, rien de concret ne sortira de la prière qui se déroulera au Vatican à la fin de cette semaine. Le pape ne l’a-t-il pas précisé lui-même lorsqu’il confia aux journalistes qui l’accompagnaient durant son vol de retour vers Rome : « Ce ne sera pas pour faire une médiation ou pour chercher des solutions. Non, nous nous réunirons pour prier seulement » ?

Mais le geste de François est si fort, la réponse de Shimon Peres et de Mahmoud Abbas si spontanée que l’on ne peut s’empêcher de penser que nous sommes peut-être à la veille d’un tournant majeur de l’histoire contemporaine et que de la séance de prière proposée par le pape pourrait naître un dialogue fécond. Sans doute la méditation commune ainsi conduite ne modifiera-t-elle en rien l’attitude des extrémistes qui, dans les deux camps, ne croient qu’en la violence ; mais elle a toutes les chances de frapper en plein cœur l’immense majorité des hommes et des femmes qui veulent la paix. Et c’est de là que pourrait surgir le processus qui conduirait les deux peuples à oublier leurs querelles séculaires pour enfin vivre en bonne intelligence.

L’homme est ainsi fait qu’il se construit toujours dans les grandes épreuves.

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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