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Le Synode de tous les dangers

Samedi 17 Octobre 2015 - 12:08

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Si tous les yeux sont aujourd’hui braqués sur Rome, c’est bien parce qu’une partie décisive s’y joue pour la chrétienté. À travers le Synode sur la famille convoqué par le Pape François se dessine, en effet, un rééquilibrage des pouvoirs temporels et spirituels dans l’Église catholique qui ne peut manquer d’avoir des effets majeurs sur sa gouvernance.

Résumer en quelques lignes un problème aussi complexe que celui auquel se trouve confronté le successeur de Benoît XVI n’est sans doute pas très prudent. Mais au risque de paraître simpliste, il convient cependant de le faire si l’on veut prendre la mesure de ce qui se passe aujourd’hui dans les coulisses de la Cité du Vatican.

Au cœur de la stratégie de modernisation conduite par le Pape François figure l’idée que celle-ci ne sera possible que si l’Église adapte ses institutions centrales aux réalités du monde présent sans renier pour autant les fondements sur lesquels elle s’est construite au fil des siècles. Dominées par l’Europe depuis près de deux millénaires du fait de leur installation à Rome, ces institutions ne sont pas adaptées à la mondialisation, donc aux exigences de ce temps. Si on ne les réforme pas très vite, la chrétienté risque de voir nombre de ses fidèles migrer vers les sectes ou vers d’autres religions.

Le fait que ce débat de fond se focalise aujourd’hui sur la famille ne doit rien au hasard.  Alors, en effet, que celle-ci demeure en Afrique, en Amérique latine, en Asie, le pivot des sociétés humaines, on la voit voler en éclats dans les pays riches, en Europe tout particulièrement, avec des phénomènes aussi dangereux que la décomposition des familles, la prolifération des divorces, la montée de l’isolation individuelle, le mariage entre personnes du même sexe qui met en question cette loi fondamentale de la nature selon laquelle la vie naît de la fusion charnelle d’un homme et d’une femme.

Ce n’est évidemment pas un hasard si l’un des plus proches collaborateurs du pape François, le cardinal guinéen Robert Sarah, nommé il y a un an Préfet de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements, a publié à la veille du Synode un livre, « Dieu ou rien » (1), qui marque de façon nette les limites à ne pas franchir dans ce domaine. Et ce n’est pas non plus un hasard si le Pape François a publié, le 24 mai de cette même année 2015, l’encyclique « Laudato sii » consacrée à « la sauvegarde de notre maison commune », dans laquelle ces mêmes principes sont rappelés avec une force peu commune qui conduit chacun de nous à s’interroger sur la capacité de l’homme à respecter les lois fondamentales de la nature.

Les Prélats africains ont bien compris que le débat sur la famille est l’une des clés qui permettra le rééquilibrage des pouvoirs et des responsabilités au sein même de l’Église. S’ils se sont unis à la veille du Synode, c’était pour souligner clairement leur attachement aux mœurs et aux traditions du continent, marquer aussi leur refus de se soumettre aux dérives sociales des nations riches de l’hémisphère nord qui, jusqu’à très récemment et au sein même de l’Église catholique, prétendaient dicter leur loi au reste du monde.

Même si cela ne se voit pas encore de façon nette il est probable que le Synode sur la famille débouchera, d’abord, sur la réaffirmation solennelle du rôle et de l’importance de la famille dans les sociétés humaines, ensuite sur le refus de sa mise en question par les sociétés occidentales, enfin et surtout par le renforcement de l’influence des pays émergents dans les institutions du Vatican afin de protéger ce bien inaliénable.

Il va de soi que la combinaison de ces trois mouvements se traduira, à terme plus ou moins rapproché, par une restructuration en profondeur des institutions catholiques. Mais on peut tenir pour certain que cette même restructuration  génèrera également au sein du Vatican de fortes oppositions à l’action que conduit le Pape François pour adapter l’Église catholique à notre temps. Et c’est pourquoi le Synode consacré à la famille est aujourd’hui perçu par beaucoup comme le Synode de tous les dangers pour le successeur de Benoît XVI.
 

  1.  Cardinal Robert Sarah, « Dieu ou rien », livre d’entretien avec Nicolas Diat. Librairie Arthème Fayard . Février 2015.

 

   

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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