Opinion

  • Réflexion

Le temps du réalisme

Samedi 3 Octobre 2015 - 15:11

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimableEnvoyer par courriel


Mieux vaut ne pas se faire d’illusion et regarder la vérité en face : ce qui se passe aujourd’hui en Centrafrique peut fort bien se répéter demain dans chacun des pays que compte l’Afrique centrale si le pouvoir s’y avère incapable de faire régner l’ordre par lui-même, de gérer les conflits ethniques ou religieux qui les minent, d’assurer la marche en avant de leur société. Ni le Tchad, ni le Cameroun, ni le Gabon, ni la République démocratique du Congo, ni l’Angola, ni même le Congo ne sont à l’abri des dérives que peuvent provoquer à tout instant le fanatisme, le déni de l’autre et surtout l’absence d’autorité légale.

C’est pourquoi l’on ne saurait trop conseiller aux puissances extérieures de s’abstenir de toute intrusion directe ou indirecte dans les affaires des Etats, de toute tentative de manipulation politique par personne interposée, de tout chantage par voie diplomatique ou judiciaire sur les autorités des nations concernées.  Le temps n’est plus, fort heureusement, où l’Histoire de cette partie du continent africain s’écrivait dans l’une ou l’autre des capitales qui avaient mis jadis ses peuples  sous tutelle.

Ce que l’on peut, en revanche, suggérer à la communauté internationale, si du moins celle-ci entend contribuer efficacement au maintien de la paix sur toute l’étendue du Bassin du Congo, c’est de cesser d’agir sans ordre ni méthode en ignorant superbement les réalités du terrain. Le bilan de ses interventions en RDC et en RCA est en effet accablant au point que l’on en vient à douter de sa volonté de prévenir ou de gérer les conflits et que l’on se demande si le puissant appareil technocratique qui gère l’Organisation des Nations unies, à New York, a une vision objective des problèmes qu’il convient de régler si l’on veut que les peuples du Bassin du Congo vivent libres, en paix avec eux-mêmes.

Disons le sans le moindre risque d’être contredits, les sommes pharamineuses dépensées depuis vingt ans par le « Machin » – comme l’appelait le Général de Gaulle avec un humour glacial – auraient été infiniment mieux employées si elles avaient été affectées à la mise sur pied de forces régionales bien équipées et bien commandées au lieu de les dilapider de façon absurde dans des actions aussi inutiles que coûteuses.

En jouant résolument la carte de l’intégration régionale dans sa dimension militaire et stratégique, l’Onu aurait épargné des centaines de milliers de vies humaines, neutralisé les forces obscures qui s’emploient à semer le chaos partout où gisent des réserves de métaux rares, permis aux populations de s’organiser pour vivre enfin libres. Mais elle a préféré s’en remettre à des organismes incompétents, parfois même corrompus, qui ont aggravé le mal au lieu de le guérir.

La reprise des troubles en Centrafrique sonne à ce propos comme un nouvel et terrible avertissement. Elle indique de façon claire que si la communauté internationale persiste dans une politique qui a largement démontré ailleurs son inefficacité, voire même sa nocivité, le pire se reproduira à bref délai avec un risque de déstabilisation générale du Bassin du Congo dont l’afflux des réfugiés ces derniers jours en RDC donne dès à présent une idée précise.

Dans un tel contexte, aider les pays stables comme le Congo à se doter d’institutions solides, capables d’assurer leur marche vers le développement durable et de  prévenir les troubles ethniques ou religieux s’impose,  à nos yeux en tout cas, comme un impératif catégorique dont la communauté internationale ferait bien de prendre conscience tant qu’il est temps. 

 

 

Jean-Paul Pigasse

Edition: 

Édition Quotidienne (DB)

Notification: 

Non

Réflexion : les derniers articles