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Le temps du réalisme

Samedi 16 Avril 2016 - 17:00

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Que cela plaise ou non aux pays qui contestaient jusqu’à une date récente le choix des citoyens congolais sans trop oser le dire publiquement, le Congo a définitivement tourné samedi une nouvelle page de son Histoire. Après s’être doté, le 6 novembre 2015, d’une nouvelle Constitution il a réélu le 20 mars son président à une large majorité et celui-ci a prêté serment, samedi à Brazzaville, devant un parterre de chefs d’Etat africains qui ne dissimulaient ni leur amitié, ni leur appui.

Le temps du réalisme est donc venu pour ceux qui se croyaient assez forts, assez influents , assez puissants pour modifier le cours des évènements et qui, comme on pouvait s'y attendre, ne l’ont en rien changé.

Que veut dire l’expression « temps du réalisme » ? Ceci qui ne concerne pas seulement le Congo :

 1) L’Afrique centrale vit des moments difficiles du fait des tensions politiques, ethniques et religieuses qui la rongent sournoisement et la déstabilisent. Elle a besoin de partenaires fiables, réalistes, bien informés et prêts à l’accompagner dans sa longue marche vers le développement, non de puissances extérieures qui donnent à ses dirigeants des leçons de bonne gouvernance d’autant moins crédibles qu’ils gèrent eux-mêmes leur propre pays de façon plus que discutable. Ceux qui ne le comprennent pas et qui persistent à vouloir imposer leur modèle de société à des peuples n’ayant ni le même mode de vie, ni les mêmes traditions, ni les mêmes idéaux seront irrémédiablement écartés de ce monde en pleine émergence. Ils le seront d’autant plus vite et d'autant plus fort que l’époque coloniale est perçue de façon croissante, sur le continent, comme l’une des causes, sinon même la cause principale, du retard pris par l’Afrique dans le domaine économique et social.

  2) A terme plus ou moins rapproché les pays vers qui l’Afrique se tournait jusqu’à présent lorsque des menaces internes ou externes mettaient en péril sa sécurité s’avèreront incapables d’agir. Contraints d’intervenir sur des théâtres d’opérations extérieurs jugés plus importants pour eux et confrontés à des problèmes matériels qu’ils ne sont plus en mesure de gérer, les dirigeants de ces pays seront contraints de retirer leurs troupes là où elles étaient jusqu'alors déployées et cela créera un vide stratégique propice à l'aggravation des crises que vivent le Mali, la Centrafrique ou la République démocratique du Congo. Dans ce contexte la seule réponse que les pays d'Afrique centrale pourront apporter à ces menaces viendra de la constitution de forces de sécurité régionales capables de se substituer aux forces extérieures qui les protégeaient plus ou moins bien jusqu'à présent. Si les puissances qui leur venaient ainsi en aide veulent demeurer présentes dans cette partie du monde, elles doivent aider maintenant à la constitution de ces forces et appuyer en priorité les Etats dotés d’institutions stables comme le Congo.

  3) L'Afrique dans son ensemble et le Bassin du Congo plus particulièrement connaîtront dans les décennies à venir un développement spectaculaire. Avec une population qui constituera le quart de l'humanité et des ressources naturelles qui sont encore largement inexploitées le continent s'imposera progressivement comme le plus grand marché du monde ; et bien entendu l'Afrique centrale s'imposera en tête de ce processus. Mais cette progression ne se fera pas sans mal étant donné les retards pris, notamment du fait de la colonisation, dans la formation des hommes, dans la création des grandes infrastructures de communication, dans la gouvernance publique, dans la constitution de véritables communautés régionales. Si les puissances extérieures veulent y demeurer présentes elles doivent cesser de se présenter comme des "mentors" et s'attacher à contribuer de façon pragmatique à la résolution des multiples problèmes que ne manquera pas de poser cette émergence aux peuples du continent.

De deux choses l'une pour conclure : ou bien les pays partenaires du Congo s'imprègnent de ces évidences et s'attachent à rétablir avec ses dirigeants les relations de confiance que les évènements récents ont fortement ébranlés, ou bien ils persistent dans une attitude qui est perçue à Brazzaville comme une atteinte à l'indépendance du peuple congolais et ils briseront les liens très forts que l'Histoire avait créés entre les deux nations.

Que pensent de tout ceci, là où ils reposent aujourd’hui, Pierre Savorgnan de Brazza et le Général de Gaulle ?

 

 

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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