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L’envers du décor

Dimanche 19 Juillet 2015 - 14:30

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La chute brutale des cours du pétrole depuis un an frappe durement les pays producteurs, tout spécialement ceux du Golfe de Guinée dont l’économie est financée pour l’essentiel par les revenus tirés de l’exploitation des gisements d’hydrocarbures. Elle réduit de façon drastique les ressources financières des États, frappe les entreprises publiques et privées qui en vivent directement ou indirectement, aggrave le sous-emploi et augmente le chômage dont souffrent les économies émergentes, bref elle ralentit, voire même interrompt le processus d’émergence d’une région que l’on considérait jusqu’à une date récente comme l’une des plus prometteuses, des plus riches, potentiellement, de la planète.

Face à ce problème, deux attitudes sont possibles :

° La première, négative, consiste à  serrer, comme on dit, les boulons en espérant qu’à terme plus ou moins rapproché, la tendance s’inversera sur le marché mondial des hydrocarbures. Elle ne peut se traduire, dans l’immédiat, que par le gel des dépenses publiques et donc par une aggravation des difficultés auxquelles se heurtent les opérateurs économiques. Elle aura inévitablement comme conséquence une série de crises dont les effets sociaux politiques pourraient s’avérer dévastateurs dans l’ensemble de la région.

° La deuxième attitude, positive celle-là, parce que fondée sur une analyse plus juste des données du problème, consiste à accélérer la diversification économique qui mettra, dans le futur, les pays comme le Congo à l’abri de nouvelles fluctuations des cours du pétrole. Définie il y a quinze ans, cette volonté d’apporter des ressources moins volatiles et plus durables en développant les grandes infrastructures de communication commence déjà à porter des fruits comme on le voit dans plusieurs départements, mais le moment semble venu de l’amplifier.

Au cœur du dispositif qui protègera demain le Congo des aléas du commerce international des hydrocarbures se trouve, en effet, l’exploitation rationnelle et programmée des ressources naturelles, notamment minières, dont regorge son territoire, mais aussi et surtout de la terre, de l’eau, des forêts qui, jusqu’à présent, n’ont pas généré des ressources significatives pour l’économie nationale. Fondée sur des réalités bien tangibles, cette politique peut donner rapidement des résultats concrets dès lors qu’elle est inscrite en bonne place dans les programmes visant à accélérer l’émergence du pays et qu’elle fait l’objet d’un lobbying adapté au plan international.

Pour avoir évoqué cette question avec les dirigeants de grands groupes spécialisés à l’échelle mondiale dans la mise en valeur des terres agricoles et forestières nous savons, en effet, que des capitaux importants sont prêts à s’investir dans les projets en cours de montage dans plusieurs régions du Congo. Mais pour qu’il en aille ainsi, deux conditions fondamentales doivent être réunies : la première est la stabilité intérieure du pays qui, seule, garantira la rentabilité des investissements sur le long terme ; la deuxième est la formation des hommes aux techniques modernes afin de résoudre l’épineux problème du manque de main d’œuvre compétente.

Même si cela ne se voit pas, la façon dont sera organisée, dans les mois à venir, la modernisation des institutions de la République jouera donc un rôle décisif dans la mise en place de l’économie diversifiée qui, elle-même, résoudra le problème apparemment insoluble que pose aujourd’hui l’effondrement des cours du pétrole. Dans un pareil contexte, les acteurs politiques feraient bien de se convaincre que l’envers du décor est aussi important, sinon même plus, que le devant de la scène sur laquelle ils s’agitent. Autrement dit, parler et agir de telle façon que les investisseurs soient assurés du maintien de la stabilité intérieure du Congo sur le long terme.

L’enjeu n’est pas seulement considérable. Il est vital au sens propre du terme.

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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