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Les poètes

Lundi 23 Mars 2015 - 9:39

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À Paris, capitale de la France et des belles lettres, avait lieu, du 18 mars à ce soir, le Salon du livre. Un rendez-vous exceptionnel pour les écrivains et poètes, avec la bénédiction de leurs prestigieux éditeurs ; pour d’éminents conférenciers et penseurs, de reposer la question chaque fois renouvelée de la connaissance ; la connaissance par l’écrit. Le plus impressionnant, ce ne sont pas seulement les ouvrages de différents auteurs de langue française notamment exposés au long de la petite semaine presque que dure l’événement ; ce sont en effet aussi les nombreux visiteurs (193 000 selon les estimations) de tous les âges, de toutes les couleurs et de toutes les provenances, qui arpentent sans se lasser les couloirs des stands riches en animation. Et l’on répète à qui exprimerait encore quelque doute sur l’avenir de la chose écrite noir sur blanc, que le livre n’est pas mort malgré l’apparition de toutes sortes de moyens d’informer et de communiquer. Le mérite de la Ville Lumière, Paris, est de renouveler cette mobilisation chaque année avec succès.

Pourrait-on parler d’un lien de cause à effet ? Non, évidemment, mais disons qu’au moment où se tenait le Salon du livre de Paris, à Brazzaville, au Congo, affluaient de toutes parts, tant de littératures et d’écrits sur l’histoire du pays de Fulbert Youlou, Jacques Opangault et Jean-Félix Tchacaya ; le pays d’Alphonse Massamba-Débat, Marien Ngouabi, Jacques Joachim Yhombi Opango, Pascal Lissouba et Denis Sassou N’Guesso. Ceux qui le souhaitent peuvent ajouter les héros de leur cœur et dire, le pays d’André Grénard Matsoua et du Makoko Iloo 1er. Près de 55 ans après son accession à la souveraineté, on le voit bien, le Congo n’est pas parvenu à se dépouiller du démon de la rancœur, de la haine et de la division. On pourrait même dire, que la Conférence nationale de 1972, celle de 1991, les forums de paix et autres dialogues nationaux ou politiques qui en avaient pris la relève pour exorciser le mal rampant n’ont pas ressoudé le tissu de l’unité à l’évidence déchiqueté par les violences qui jalonnent ce parcours un peu confus.

Au jour le jour, en effet, de la part des hommes sur qui des compatriotes ont, ou avaient un temps placé confiance et considération en se fiant à leur posture d’intellectuels ou de grands commis de l’État, surgissent des rugissements qui peuvent bien faire douter de l’avenir du pays. Avec des mots parfois très durs, chacun allant de son bagage, les uns expriment de la frustration, d’autres des rancœurs trentenaires, d’autres encore se laissent aller à des récriminations plus ou moins étayées, plus ou moins soutenues, déroutant par le verbe, laissant néanmoins toujours planer l’énigme sur le fond de leur pensée, sur les motivations profondes de leurs déchirements intérieurs désormais révélés au grand jour. La preuve, peut-être, que la nation congolaise a encore une fois de plus besoin de dialoguer, d’échanger, de se nettoyer ses souillures, de se laver les mains et les cœurs, de solder un contentieux dont les acteurs politiques seuls connaissent les tenants et aboutissants.

Très souvent, et c’est là où le bât blesse, lorsqu’ils se réunissent avec la prétention de « redéfinir les valeurs fondamentales de la nation et de créer les conditions d’un consensus national, en vue de l’instauration d’un État de droit et d’une démocratie pluraliste», comme ce fut le cas lors de la Conférence nationale souveraine de 1991, les politiques relèguent l’essentiel au second plan pour se tirer dessus sans pitié. Lorsque les débats d’intérêt général dérivent sur des querelles intestines de positionnement, le chaos prend le dessus. Dans un pays où la classe politique ne répond pas de ses fautes, il devient impérieux de se poser la question suivante : à quand l’avènement d’une race de politiciens qui donneront réellement la priorité au Congo? N’est-ce pas qu’à les voir s’invectiver à longueur d’écrits et de discours, on s'aperçoit que nos hommes politiques accordent peu de place aux problèmes majeurs des populations ?

Gankama N'Siah

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Édition Quotidienne (DB)

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