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Les politiques en question

Lundi 30 Octobre 2017 - 9:24

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Emile Chartier, dit Alain, né le 3 mars 1868, mort le 2 juin 1951, écrivain et philosophe, professeur et journaliste résolument démocrate et pacifiste a écrit : « Propos sur les pouvoirs », critique radicale du pouvoir comme politique. Instructif. « Une œuvre d’ample envergure et de grand style, singulièrement présente au lecteur, fait d’Alain, l’une des plus vigoureuses figures de l’humanisme occidental ». C’est à la lumière de ce texte que je reviens, à quelques jours de la célébration de la Fête de la République, sur la chute du premier président de la République. En effet, à l’heure des comptes, le président est toujours seul, comme Fulbert Youlou pendant les trois jours tumultueux qui le firent chuter. Il fut cloué au pilori sur l’air de : « Youlou a tout volé, nous bâtirons de nouveau, suffit la liberté… ». En réalité, ce chant ne fut entonné que le dernier jour, quelques heures après son naufrage. Les deux premiers jours, les 13 et 14 août 1963, c’est une foule bruyante qui s’attaqua aux domiciles des apparatchiks de l’époque. À Poto-Poto, celui de Faustin Okomba, dont la maison partit en fumée. De son vivant, il refusa de la reconstruire ; le domicile de la mère de Youlou, sis sur la même rue que celle d’Okomba, fut aussi l’objet de la vindicte populaire ; le conseiller sénégalais de Youlou vit la sienne, sise sur la rue Mbakas, saccagée et dévalisée. Ce jour-là, je fus surpris par la force démentielle des pilleurs. Un seul bonhomme soulevait comme une paille, un réfrigérateur de plus de 50 kilos, que l’on désignait, à l’époque, frigidaire, du nom d’une marque très en vogue. La résidence du président Ibalico, de l’autre côté de Madoukou, fut parmi les premières maisons attaquées par les assaillants venus de Poto-Poto. La nôtre, n’eût été l’intervention des voisins, aurait sans doute connu le même sort. Deux jours après, elle ne dut son salut qu’à la présence en ces lieux, du poste transformateur d’Unelco (ancêtre de la SNE) qui refroidit l’ardeur des pilleurs. Pour tous frais, quelques fenêtres brisées, le hangar de la buvette arraché. Pour l’histoire, se rencontrait, à cet endroit, les cadres et dirigeants de l’époque, parmi lesquels Prosper Gandzion, personnage flamboyant, exhibant sa voiture décapotable de marque Impala, qu’il conduisait seul, et sans garde du corps, dans les rues de Poto-Poto et de Bacongo. D’ailleurs, il est, avec Dominique Nzalakanda, au centre de la contestation qui finit par emporter l’abbé-président. Leurs démissions figuraient parmi les exigences des syndicalistes. Le président Youlou, pendant les trois jours de fronde populaire, refusa de sortir du gouvernement ses deux ministres sulfureux. Quand, enfin, il s’y résigna, la coupe était pleine. C’est la sienne qui fut exigée. Chute dure et pénible. En effet, Youlou et ses hommes ont été victimes de la folie du luxe et de la « soumission » aux belles femmes. Victimes aussi de l’ivresse de l’argent et de l’illusion de puissance. Les peuples ont les dirigeants qu’ils méritent, dit-on. Mais, comme l’écrivait Alain, « ce qui me paraît clair dans n’importe quel Etat, c’est que le peuple vaut mieux que ses [dirigeants]». Au fond, depuis quelques temps, le ver était dans le fruit. Plusieurs facteurs aux effets cumulatifs finirent par soulever le peuple congolais, sous la houlette des syndicalistes combatifs et teigneux, au nombre desquels, Ockyemba Morlendé, Gandou, Matsika, Pongault, etc. Ces facteurs sont, entre autres,  l’ostentation de certains membres du gouvernement de la République, le passage cyclonique de Sékou Touré à Brazzaville, qui jeta de l’huile dans le feu ardent de la contestation du parti unique projeté par Fulbert Youlou et l’arrestation de deux syndicalistes. Autant d’éléments détonants qui finirent par emporter l’abbé-président. Au départ, il n’était pas mis personnellement en cause. Les errements de certains membres de son gouvernement, cités précédemment, ont déteint sur lui. Il a été victime de sa faiblesse. Quand se raie la mécanique du peuple, par la faute de ses dirigeants, elle devient incontrôlable, infernale. Youlou a payé par sa chute, sa magnanimité pour ces deux ministres, très proches de lui. Il n’a pas su se mettre au dessus des petits intérêts. Les siens et ceux de ses protégés. Il avait oublié cette vérité simple, énoncée par Alain, « que les planches pourrissent, que les fers se rouillent, que les pierres se couvrent de mousse » et, ajouterais-je, que les hommes passent. Selon le beau mot d’Alain, La « triomphante aurore », celle des « Trois glorieuses » journées, plongea, par la suite, le Congo dans une mare d’inepties, du fait d’un marxisme mal assimilé. Le parti unique, répudié sous Youlou, devint la norme.

De cette époque, plus rien ne reste, hormis quelques reliques branlantes de pseudo hommes de gauche. S’instaura par là-même, un monde fondé sur l’hypocrisie. Les valeurs fondamentales commencèrent à être flouées. L’excellence, niée. Aujourd’hui, les marxistes d’hier, militants apostats, ont renoué avec la religion qu’ils qualifièrent, des années durant, « d’opium du peuple ». De la Conférence nationale, qui réinstaura le pluralisme, ne survivent désormais que ses mots en norias dont se repaissent les néo démocrates congolais. Démagogie ! Ce qu’attend le peuple des politiques : santé, travail, éducation, développement, prospérité et non de simples incantations. Les vrais héros ne sont pas toujours ceux que l’on croit.

Mfumu

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