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Les vrais enjeux du débat constitutionnel au Congo.

Lundi 2 Février 2015 - 12:00

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Dans ses vœux aux forces vives de la Nation, le président Denis Sassou N’Guesso, chef de l’État congolais, est resté relativement discret sur la décision que l’on attendait de lui concernant le débat actuel sur le statu quo, la révision ou le changement de la Constitution. Il a pris acte que dans la jeune démocratie congolaise les forces politiques, les citoyens et une grande partie de la société civile étaient concernés par le débat démocratique sur la Constitution congolaise du 20 janvier 2002.

Le Président sans dire s’il était pour le statu quo, la révision ou le changement de la Constitution, a demandé aux Congolais de travailler davantage pour la réussite politique, économique et sociale du Congo. En laissant la réflexion à la disposition du peuple congolais légitime, le président signifie à la représentation nationale que le débat sur la Constitution est un sujet important et complexe. Pour ma part je pense qu’il n’y a pas un débat mais trois débats concernant la Constitution congolaise.

 

  1. Faut-il garder le statu quo actuel ?

 

La Constitution du 20 janvier 2002 est un document juridico-politique, économique et social articulé autour de 191 articles et de 19 titres. Ces articles exposent les conditions d’organisation de l’État et de la souveraineté dans son titre I et dans son titre XVIII les modalités de la révision constitutionnelle. Le débat politique sur la Constitution est important mais il faut, pour juger au fond, revenir à la problématique juridique.

Les articles 185 et 186 expliquent que l’on peut réviser la Constitution et que cette initiative (article 185) appartient concurremment au Président de la République et aux membres du Parlement. L’article 186 renvoie aux modalités de la mise en application de l’article 185, selon que la révision émane du président de la République ou du Parlement.

 

Je laisse aux acteurs politiques congolais le débat politique et je reviens sur l’aspect juridique.

Si on garde la Constitution du 20 janvier 2002 dans sa forme actuelle en adoptant la stratégie du statu quo, il y a un risque de blocage des Institutions comme l’indique le titre VII de la Constitution (Des rapports entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif). Le nouveau président élu ne pourra dissoudre l’Assemblée nationale au titre de l’article 114 et l’Assemblée nationale, toujours à ce même titre, ne peut démettre le président de la République. Le nouveau président élu, qui ne serait donc pas le président Sassou si on respecte les hypothèses du nombre de mandats et de l’âge, ne pourrait pas dissoudre l’Assemblée nationale dont la majorité est formée par le Parti congolais du travail qui soutient le président Denis Sassou N’Guesso.

On voit que le statu quo peut entrainer une crise institutionnelle si d’aventure le nouveau président élu souhaite passer en force en réformant la Constitution, il briserait donc le statu quo qui deviendrait de ce fait caduc. Le nouveau Président élu ne pourrait se prévaloir de la prérogative de la dissolution pour avoir une majorité conforme à son élection, alors que dans le même temps on aurait empêché l’ancien président, si telle était son envie d’avoir voulu réviser ou changer la constitution pour la mettre en cohérence institutionnelle et proactive vis à vis des résultats actuels obtenus par le Congo en matière de sécurité et de développement économique.

Le statu quo est un aspect du débat de fond sur la Constitution congolaise qu’il faut instruire sur l’angle juridique alors que les acteurs de la scène politique congolaise préfèrent privilégier la dimension politique.

 

  1. Faut-il réviser la Constitution ?

 

Je suis citoyen congolais instruit et passionné par la démocratie naissante et en voie d’installation et de consolidation dans mon pays le Congo Brazzaville.

Mes compatriotes connaissent mes convictions d’analyste politique et mon indépendance intellectuelle sur la chaîne de télévision panafricaine Africa 24. Je n’ai pas le monopole du savoir, mais je prétends, comme n’importe quel citoyen, pouvoir apporter une petite pierre dans le jardin actuel du débat sur la Constitution au Congo.

Sur le plan juridique, il y a deux problèmes qui sont posés par le titre V (Du pouvoir exécutif) et les articles 57 et 58 qui fixent l’élection et la réélection du président de la République.

L’article 57 organise les modalités liées au nombre de mandats et l’article 58 celles liées à l’âge du président de la République.

Pour l’opposition, les articles 57 et 58 doivent être respectés et donc le statu quo doit être privilégié. Pour la majorité présidentielle représentée par le Parti Congolais du Travail, et d’autres partis politiques et associations affiliées, le statu quo n’est pas acceptable car il peut introduire une crise institutionnelle. Le nouveau président élu ne peut dissoudre l’Assemblée et l’Assemblée nationale ne peut démettre le président de la République au titre de l’article 114 titre VII (des rapports entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif).

La majorité présidentielle estime donc que c’est une anomalie institutionnelle qu’il faut corriger en demandant au peuple par voie référendaire de se prononcer contre le statu quo actuel. La majorité présidentielle doit argumenter les éléments juridiques de sa position.

Le volet politique est important, certes, mais on peut noter que la plupart de nos compatriotes discutent de la réforme constitutionnelle sans avoir lu et compris les éléments juridiques qui organisent la Constitution du 20 janvier 2002.

Si on revient sur l’aspect politique de la réforme constitutionnelle, la majorité présidentielle doit expliquer au peuple congolais pourquoi il est important de réviser la Constitution sur les plans institutionnels, politiques, économiques et sociaux et à l’opposition de dire en quoi le statu quo constitutionnel peut être un progrès pour le développement des Institutions congolaises et le progrès économique au Congo Brazzaville pour le bonheur et le bien-être des populations congolaises.

 

  1. Le changement de la Constitution

 

Le changement de la Constitution est une troisième option, donc un troisième aspect du débat en cours au Congo Brazzaville. Le changement, s’il est admis, doit modifier de fond en comble le mode de scrutin. On pourrait passer d’un scrutin majoritaire à deux tours à un scrutin uninominal à un tour. La nature du régime politique pourrait être modifiée avec la création de postes de vice-présidences. D’autres innovations juridico-politiques sont possibles

dans une démocratie en voie de consolidation et de progrès.

 

Conclusion

 

Le peuple congolais est un peuple de passions, cela est normal tant pour la classe politique que pour les citoyens que nous sommes, mais cette passion doit être encadrée, organisée par des éléments juridiques et politiques quand nous discutons des débats sur la Constitution. Il faut éviter de personnaliser le débat politique sur les personnes, même si celles-ci sont les moteurs de nos structures politiques.

 

Débattons sans passion, sans invective du texte fondamental qui doit organiser notre avenir et celui de nos enfants, à savoir la Constitution congolaise.

 

Lucien PAMBOU professeur titulaire de Sciences économiques et p

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Édition Quotidienne (DB)

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