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L'Europe au seuil d'une crise majeure ?

Samedi 5 Mars 2016 - 16:39

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Chaque jour qui passe accroit les incertitudes qui font de la vieille Europe l'un des acteurs les plus instables et donc les plus imprévisibles de la scène internationale. Perçue tout au long des cinquante dernières années par les grandes puissances, mais aussi par les pays émergents, comme un partenaire fiable que sa prospérité mettait à l'abri des crises qui secouent diverses parties du monde, elle se comporte aujourd'hui comme une communauté de nations qui ne sait plus où elle va, que déchirent des controverses internes de plus en plus profondes, qui pourrait si l’on n’y prend garde rouvrir les plaies du passé douloureux dont elle avait eu le plus grand mal à guérir.

Sur le plan humain, tout d'abord, la déferlante des migrants venus d'Afrique et du Proche-Orient provoque au sein de l'Union Européenne une crise d'une ampleur sans précédent. Elle conduit les pays de l'Est et de l'ex-Yougoslavie à fermer brutalement leurs frontières, ce qui a pour conséquence d'enfermer la Grèce dans un étau qu'elle n'a aucune chance de desserrer. Elle creuse aussi un fossé, certes moins visible mais tout aussi profond, entre les "grands" de l'Europe que sont l'Allemagne, la France, la Grande-Bretagne. Et comme l'afflux des migrants vers le nord ne peut, si l’on y réfléchit bien, que déboucher sur une crise humanitaire de grande ampleur, avec probablement des milliers, voire même des dizaines de milliers de morts, l'on peut s'attendre à ce que ses pays membres soient tentés de rejeter sur les autres la responsabilité du crime contre l'humanité qui se prépare.

Sur le plan économique, ensuite, la situation n'est guère meilleure. A bien des égards même elle pourrait s’avérer pire à très court terme. Au cœur de la crise qui se prépare et que les dirigeants européens refusent de regarder en face se trouve une conception diamétralement opposée de la conduite des affaires publiques: avec, d'un côté les bons élèves de la classe qui veillent à ne pas dépenser plus qu'ils ne gagnent et qui respectent strictement la loi des grands équilibres financiers; et, de l'autre côté, les mauvais élèves qui pensent que l'on peut accroître les dépenses publiques au-delà du raisonnable sans courir le risque de se trouver un jour en cessation de paiement. Il est bien évident qu'un jour ou l'autre les premiers - au premier rang desquels se trouve l'Allemagne d'Angela Merkel - feront savoir aux seconds - parmi lesquels figure la France de François Hollande - que la coupe est pleine et que s'ils ne se réforment pas rapidement l'Union Européenne ne pourra pas continuer à se construire.

Sur le plan politique, enfin, la voie sur laquelle l'Europe s'est engagée - sous la pression de l'Allemagne - en absorbant une partie des nations qui composaient l'Empire soviétique sans réfléchir aux conséquences négatives que le passage de 7 à 15, puis à 28 membres aurait inévitablement pour sa cohésion interne s'avère suicidaire. Non seulement cette ouverture irréfléchie a détruit le projet que les Pères fondateurs de l'Europe avaient construit au lendemain de la deuxième guerre mondiale, mais encore elle a généré le monstre sans tête qu'est devenu l'appareil administratif installé à Bruxelles. Dominée par une technocratie qui tient pour négligeables les Etats et leurs gouvernements cette "machine" apparait chaque jour un peu plus déconnectée de la réalité et donc incapable de prendre les bonnes décisions. Son incapacité à gérer correctement la question des migrants en apporte une preuve de jour en jour plus accablante.

Question donc : l'Union Européenne est-elle capable de sortir du bourbier dans lequel elle s'enfonce ? Nul ne peut évidemment le dire. Mais ce que nous pouvons affirmer, en revanche, c'est que si elle ne met pas très vite de l'ordre dans ses affaires elle implosera au sens propre du terme.

 

 

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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