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L’homme, un loup pour l’homme

Lundi 12 Mai 2014 - 0:02

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Telle est la conclusion sur laquelle on débouche inéluctablement lorsque l’on remonte l’histoire et que l’on se remémore les atrocités que notre espèce n’a pas cessé – et ne cessera sans doute jamais – de commettre envers elle-même depuis la nuit des temps. Avec, toutefois, des pics dans l’horreur parmi lesquels figurent en bonne place l’esclavage et la traite négrière que l’Europe et l’Amérique organisèrent quatre siècles durant dans le seul but de réaliser de grands profits.

Célébrée samedi à Paris, dans les jardins du Luxembourg, en présence du président François Hollande, la Journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions devient au fil des ans une sorte de rite auquel se soumettent les plus hautes autorités de la République française ; mais il n’est pas certain qu’elle entraîne le changement d’attitude qu’attendent depuis cent cinquante ans les peuples qui furent les victimes innocentes de cet ignoble trafic. La preuve en est le peu d’intérêt que manifestent les Européens comme les Américains pour le développement du continent sauf, bien sûr, lorsqu’il s’agit d’en exploiter les ressources naturelles, de se protéger contre les menaces terroristes ou de préserver leurs intérêts égoïstes.

S’il est vrai que ce que l’on appelle la « repentance » n’est pas la meilleure façon d’aborder le problème puisque l’on ne saurait rendre les générations présentes responsables des crimes commis par celles qui les ont précédées, il l’est tout autant, sinon même plus, que l’Europe ferait bien de s’attacher à réparer ses fautes sans plus tarder. Non en discourant à perte de vue comme elle le fait présentement, mais en accompagnant de façon pratique l’Afrique et les Africains dans leur émergence.

Le président du Congo ayant énoncé comment cela pourrait se faire lors des sommets Afrique-France et Afrique-Europe qui se sont tenus à Paris et à Bruxelles dans les derniers mois, la voie est tracée de façon claire (1). Mais pour l’emprunter, il faut, d’une part, que les pays africains mettent, comme on dit, la pression sur les gouvernements européens et se livrent à un lobbying sans complexe au cœur même de l’Europe ; il faut, d’autre part, que ces mêmes pays fassent prendre aux anciennes puissances coloniales dont ils sollicitent aujourd’hui l’appui la pleine mesure des crimes qu’elles ont commis impunément pendant plus de quatre siècles.

Dans un pareil contexte, il est certain que les lieux de mémoire tels que Gorée en Afrique occidentale et Loango en Afrique centrale sont appelés à jouer un rôle déterminant dans cette nécessaire prise de conscience. Mais il l’est tout autant, sinon même plus, que les différentes diasporas africaines présentes en Europe doivent jouer un rôle clé dans le processus de réparation qui tôt ou tard s’amorcera. Fortes des centaines de milliers d’hommes et de femmes qui vivent parfaitement intégrés dans les sociétés européennes, à cheval donc sur les deux continents, ces diasporas peuvent, si elles le veulent vraiment, changer de façon radicale la position des cartes sur cette table de jeu internationale.

Mais en ont-elles conscience et, si c’est le cas, s’en donneront-elles enfin les moyens avec l’aide de leur pays d’origine ?

 

  1.  Denis Sassou-N’Guesso. « Développement durable, sécurité : pour une nouvelle coopération Afrique-Europe », Géopolitique africaine n° 48, novembre 2013. « Afrique-Europe : pour un partenariat adapté aux réalités du xxie siècle », Géopolitique africaine n° 50, avril 2014.
Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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