Lire ou relire : « Apprendre à donner, apprendre à recevoir » de Gabriel Mwènè Okoundji

Vendredi 6 Juillet 2018 - 19:21

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimable

Dans son ouvrage, l’écrivain révèle ses raisons d'écrire aux lecteurs par l'intermédiaire des interlocuteurs qui, comme lui, s'intéressent à la littérature d'expression française.

Le livre, publié aux éditions Apic, est une prose poétique en deux volets. La première partie, "Apprendre à donner, apprendre à recevoir", est un écrit épistolaire que le poète adresse à son ami Jacques Chevrier qui préparait une étude critique sur lui. La seconde, "La parole est après le chemin", est une compilation d'entrevues sur le poète avec quelques affidés de la plume.

Une poésie dense, profonde et attrayante découle de ce recueil. Chaque phrase coule douce dans la pensée du lecteur, tantôt comme un chant lyrique, tantôt comme une évocation épique. La langue est policée et le style incantatoire, sublimant l'esprit par une rarissime composition des mots pourtant ordinaires donnant suite à des textes hors du commun, avec une maîtrise qui fait l'étoffe des grands écrivains, dont la littérarité est perceptible à vue d'œil.

Notre poète n'est ni un chantre de malheurs, ni de révoltes. Il est juste naturellement poète pour peindre savamment les choses de manière sublime et belle à l'oreille. C'est le Ndjiimi, homme de la parole, qui transcrit la sagesse du monde par des mélodies imagées. Une rhétorique au service de la vie, talent reçu dès la tendre enfance auprès des sages tégués de la Cuvette ouest, sa terre natale.

Parole de vie qu'il tend à préserver et à transmettre à la postérité universelle. Sa plume laisse résonner un écho d'une parole tutélaire, digne d'attention qui s'impose par sa beauté et le génie de l'âme du notable que représente notre poète, le Mwènè.

Dans ce texte qui inaugure ce recueil, le poète se montre marqué par l'absence de son père trépassé alors qu'il n'avait que 12 ans. Personnage auquel il reste attaché et reconnaissant, surtout le legs du pouvoir ancestral dont il essaie de conserver les valeurs.

 Mais au-delà, il fait le pourtour non exhaustif des écrivains qui, avant lui, ont su puiser dans leurs racines anthropologiques le contenu et la cadence de leurs œuvres. Il s'agit de Chinua Achebe, Thomas Mafolo, Birago Diop, Alphonse Dzanga-Konga, Okot P'Bitek, Ngugi Wathiong'o et F. Tintinga Pacéré.

Gabriel Mwènè Okoundji s'oppose à l'aliénation culturelle, malgré sa vie passée en France plus que dans son pays d'origine. Aussi clame-t-il avant tout son identité de Mwènè parmi ses multiples statuts, psychologue clinicien, homme de lettres, etc. Pour lui, échange et réciprocité entre les cultures sont gages d'enrichissement de l'existence humaine.

La dernière partie du livre rapporte les entretiens du poète avec les écrivains Caya Makhélé, Elsa Gribinski et Pierre Tilinac. Le poète se reconnaît sur les traces de ses compatriotes et devanciers Tchicaya U Tam’Si et Jean-Baptiste Tati Loutard.

La poésie le rend lucide devant l'incapacité de l'homme de vivre son humanité en harmonie avec l'environnement. À cette crise éthique, il propose le langage du cœur comme thérapie pour redécouvrir la place des sentiments contre l'illusion de toute puissance. Car, écrit-il, « tout chemin ne mène pas à Rome, mais à la mort. Mais avant la mort, il y a la vie » (p.55).  

Auteur prolixe, Gabriel Mwènè Okoundji est récipiendaire de plusieurs prix, parmi lesquels, Prix international de poésie Benjamin-Fondane, Paris 2016, Prix international de poésie Antonio-Viccaro, Canada 2015, Grand Prix des arts et des lettres de la République du Congo, 2015, Prix Mokanda 2014, Prix Léopold-Sédar-Senghor de poésie 2014 du Cénacle européen francophone, Grand prix littéraire d'Afrique noire 2010 pour l'ensemble de son œuvre.

 

Aubin Banzouzi

Notification: 

Non