Lire ou relire : "La rage du désespoir" et " La vie… "

Vendredi 11 Janvier 2019 - 11:10

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimable

Publiés à l’Harmattan Congo-Brazzaville, les deux recueils de poésie, préfacés par l’écrivain congolais Pierre Ntsémou, sont les œuvres des anciens séminaristes catholiques devenus prêtres aujourd’hui.

L’écrivain congolais, Léopold Pindy Mamonsono, affirmait dans " Destin de poète " que « la poésie est le langage du verbe ». Le poète, inspiré par la muse, transmet un message essentiel qui dépasse son propre entendement. Poète, philosophe et prophète incarnent la même plume pour sublimer la pensée humaine, l’anoblir et l’éclairer.  

" La rage du désespoir"

Le premier recueil, " La rage du désespoir", est l’œuvre poétique de Claude Maniongui Mabondzo. Comme l’indique le titre, le livre dévoile une sainte et légitime colère devant le tableau morose d’un monde livré à l’éphémère et la fatalité. A en croire le préfacier, « Clotaire Maniongui Mabondzo sur les sillons d’Emile Zola prend la défense de tous les Dreyfus et au-delà du Père de tous les martyrs de la terre : Jésus-Christ ».

La sérénité est le remède patent au fil des textes face au mystère de la vie, autour de laquelle gravitent des épiphénomènes quelquefois désagréables. Pourtant, « toute vie est espoir », clame le poète (p.42). Des axiomes relatifs à des situations mortifères traduisent la révolte du poète dont la sagesse des propos contraste avec la bêtise humaine.   

Il s’agit notamment de cinquante poèmes présentés dans un lyrisme saccadé sur cent vingt-et-une pages. Sous un regard de sociologue, le poète scrute les causes de dégradation du tissu social. Il n’oublie pas, par ailleurs, de manifester sa filiale reconnaissance à l’endroit de sa mère (p.23) ou de la mère du sauveur (pp.82.83) et de tous les héros connus et anonymes promoteurs du bien universel.

Les idées de rage affluent par sa veine anomale débouchant, toutefois, sur des mots d’espérance, d’amour et d’amitié.  L’intertextualité itérative met en évidence l’ouverture de l’auteur vis-à-vis d'autres chantres de la fraternité, comme son confrère poète Neil Davis Batchi (pp.105-108). Cela, après avoir « séjourné trop longtemps dans la nuit de l’ennui du désespoir » (p.87).

" La vie…"

"La vie…" , ce second livre, est une compilation de soixante-quinze textes poétiques conçus par cinq écrivains en herbe, soit quinze poèmes à chacun, le tout sur un volume de cent vingt-deux pages. Romel de Lamias, de son vrai nom Roland Armel Miassouamana. Lecyrboss, né Cyrille Ghislain Bossouba. Destin Claver Okouanga Okondza, dit O’Declave. Hermin Christ Diella Kodia, surnommé Fraise. Et Jokas de Saint Thomas, Jocel Dieu Merci Sakala Sabi à l’état civil.

Comme les cinq doigts de la main, ils ont conjugué leur verve pour manier l’esthétique des mots afin de relayer le poète Tchikaya U Tam’si. Celui-ci avait, de son vivant, émis l’avis selon lequel, « si tu choisis la vie je te prête ma langue ».

Écrire pour ces abbés poètes, c’est choisir d’immortaliser les proches cachés sous le voile insondable de la mort. Le pathétisme du discours mêlé de compassion attire l’attention du lecteur sur l’attachement des poètes aux trépassés comme Gad (p.16), Gomer (p.31), Marie Simone (p.64), Nora (p.96) … L’évocation récurrente de la mort est l’expression de la perpétuation de la vie dans la mémoire collective. Une vision eschatologique intrinsèque à la culture bantoue dont sont issus les cinq poètes.

La poésie liée à la vie ou découlant d’elle rappelle ici l’exigence de la solidarité en prônant le « nous » non le « je » (p.18) dans l’euphorie d’appartenir au Christ et de collaborer à son règne (pp.22.24). Cette convocation à l’amour et à la construction de la paix implique le renoncement au mal nommé dans le texte, jalousie (p.29), ingratitude (p.37), guerre (pp.72.90), démagogie (pp.81.84), luxure (p.92), fumée de cigarette (p.107), alcoolisme (p.109), destruction de l’environnement (pp.101, 106, 111), etc.

Tête au ciel et pieds sur terre, les cinq poètes peignent une toile multicolore où le lecteur peut contempler l’élégance des sapeurs de Bacongo (p.82) et la beauté authentique de la femme africaine (p.83). Par-ci comme philosophes, ils cogitent sur les problèmes majeurs de l’existence ; par-là comme théologiens, ils livrent un message de foi. Alliant l’utile à l’agréable et vice versa.

 

Aubin Banzouzi

Légendes et crédits photo : 

Couvertures des ouvrages

Notification: 

Non