Lire ou relire : « Souvenirs des années de guerre » de Dieudonné Niangouna

Vendredi 25 Septembre 2020 - 13:03

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Livre fabriqué à la main par Carnets-livres paru en 2009, « Souvenirs des années de guerre » est une collection de dix récits traversés par trois périodes. Il s’agit des guerres de 1993, 1997, 1998 dont les Congolais ont payé un lourd tribut.

La couverture est soigneusement recouverte d’un pagne sur lequel est agrafé une photo et une note de l’auteur intrigue. Ce livre qui ressemble à un petit coffret regorge dix magnifiques textes de l’auteur écrits avec frénésie et où les mots résonnent comme des ombres. «  Et à tous ces morts qui cherchent à quel endroit la balle s’est mise à traquer la vie, et comment tenir malgré qu’on reste mort, quel langage fabriqué avec ce corps. Et tous ceux qui se sont tus avec la peur de transpirer, à ceux avec qui nous avons regagné l’asile urbain et que les massacres de la jungle habitent encore la couenne…Aux vivants de demain et à l’aujourd’hui fatale ! » Tels sont les mots qui ouvrent ce livre  qui embarque le lecteur vers un voyage violent ou la mort, l’horreur, la trahison, la peur et l’inconstance se côtoient.

Dieudonné n’y est donc pas allé par le dos de la cuillère ! « Souvenirs des années de guerre » est comme une traversée sans retour au plus sombre de l’humain car l’auteur y retrace les atrocités des années de guerres civiles de 1993, 1997 et 1998 au Congo-Brazzaville. Evidemment les mots sont virulents et parfois insoutenables. Dieudonné déverse les mots par vagues, par saccade, par jets, ce qui amplifie au fil des pages la tension du lecteur vu que chaque chapitre raconte une nouvelle histoire toujours aussi déchirante que la précédente. Conséquence des textes qui enferment fureur et souffrance, juste émaillés quelques fois par d’hilarantes scènes qui adoucissent le ton de cet ouvrage. 

Composés de 339 pages, ces récits (qui pour la plupart ont connu un joli succès sur les planches comme Les inepties volantes, Pati, Patatra et des Tralalas, ou chiens écrasés, Carré blanc,  La mort vient chercher chaussure, L’amant de la tempête pour ne citer que ces derniers) abordent la question de la survie, de la barbarie humaine ou l’auteur débite à grosses tranches les horreurs d’une vie broyée par les conflits, les exactions, les humiliations, et la souffrance dont ont été victimes les Congolais.

Graduellement et inexorablement, l’auteur nous plonge cette horreur sans que l’on sache combien de temps durera ce cauchemar. Comment dire la fracture de la guerre, la fétidité pesante des cadavres, la haine qui se déchaîne ? Comment raconter la cruauté dont est capable l’homme ? Comment dire la morsure de la guerre, comment  transmettre à ceux qui ne l’ont pas vécu dans leur chair et leur être cette barbarie ?

Bref un vrai condensé de récits tristes et douloureux irrigués par de fortes émotions qui fort heureusement est traversé par des scènes drôles, entrainant le lecteur dans des assauts successifs d’énormes rires.  Un choix de l’auteur à vouloir aborder ce sujet très grave avec un humour et une légèreté dans le ton. Pourtant, et il sied de le rappeler que cela n’exclut en aucune manière la cruauté dont fait part l’humain tout au long de ces récits. Enfin, l’écriture est une survie et Dieudonné Niangouna, il  le sait car celle-ci lui a permis de coucher sur papier ces sanglantes et douloureuses années de guerres, une façon pour l’écrivain d’expulser ses fantômes.

Berna Marty

Légendes et crédits photo : 

Photo:Couverture de l'ouvrage

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