L’Italie confrontée au racisme dans le sport aussi

Dimanche 25 Août 2013 - 14:21

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Les joueurs noirs du championnat de football sont accueillis par des cris racistes au stade. Ils menacent de sortir à chaque fois du terrain

Si le football italien, caractérisé par un manque visible de diversités dans son expression nationale, a de temps en temps connu des épisodes racistes, la reprise du championnat de cette année semble vouloir dépasser la mesure. Une des équipes les plus emblématiques de la capitale, la Lazio Rome, est actuellement sous le coup d’une amende et une partie de ses supporters sont interdits de stade pour des manifestations racistes. « Des ignorants », a souligné l’international français Paul Pogba à l’issue du match Lazio-Juventus qui a particulièrement vu se déchaîner la « curva sud » (l’aile sud du stade Olympique de Rome, réputé fief des ultras, NDLR).

« Que puis-je faire? Je suis seul contre 30 000 supporters. Ils font ça alors qu'il y a aussi des Noirs dans leur équipe. Venir au foot et entendre des choses pareilles, c'est vraiment désagréable, mais moi je joue, je reste concentré sur le boulot », a conclu Pogba. Chaque fois qu'il avait le ballon, les ultras de la Lazio le sifflaient avec des cris de singe en accompagnement. La justice immanente ayant aussi sa force, elle a servi la vengeance à une Juventus de Turin qui a copieusement corrigé la Lazio en ce 18 août : 4 à 0 !

Autre fief avéré des manifestations racistes dans le sport et dans la politique, la ville de Vérone, au nord de l’Italie. Un autre joueur, une des rares étoiles rassurantes noires de la sélection nationale, Mario Balotelli, y a été l’objet répété des hostilités à fond raciste sur le terrain et autour. Le maire de la ville, Flavio Tosi, appartient au mouvement ouvertement xénophobe de la Ligue du Nord. La semaine dernière, il a comme justifié le racisme contre l’attaquant-vedette du Milan AC : « Il y a beaucoup de joueurs de couleur en Italie, et ceux qui ne provoquent pas la colère des supporters n’ont pas de problème. Balotelli est bon pour se rendre antipathique. »

Il n’est pas certain que Pogba, Boateng et avant eux les Weah, Gullit et autres David seraient du même avis, si tant est que le racisme doive se justifier par le comportement ou la morphologie des victimes. Le fait est que c’est avec une certaine timidité que la classe sportive italienne semble prendre conscience de la portée négative du phénomène. Cette année, celui-ci semble d’ailleurs s’alimenter encore plus directement au terreau politique, où l’arrivée d’une première femme ministre noire, Cécile Kyenge Kashetu, continue de déchaîner les horreurs verbales les plus abjectes (« N'y a-t-il personne pour la violer ? » ; « C'est un orang outang au gouvernement ! » ; « Elle ne vaut pas plus qu’une prostituée africaine ! » : petit florilège des interventions politiques les plus intelligentes à son sujet).

La Lazio-Rome a tenu à se dissocier du comportement dans les pourtours du stade et en dehors. Son entraîneur, Vladimir Petkovic, a indiqué que l’équipe entendait donner des signes, même symboliques, d’une volonté de changement sur cette question. Dimanche 25 août contre l’Udinese, l’équipe a choisi de descendre sur le terrain en compagnie de jeunes enfants de l’immigration africaine. Sur le terrain, tout le monde a arboré un maillot proclament visiblement la condamnation du racisme : « C’est par de petits gestes que nous entendons de donner encore plus d’importance à cette question. Nous devons condamner et éliminer le petit groupe de personnes auteurs de tels gestes si nous voulons présenter un football propre. »

Il n’est pas dit que cela serve à éradiquer un phénomène qui semble alimenté de toutes parts. L’Italie se révèle au fil des semaines comme peu préparée à la diversité. « Vous ne pouvez pas vous arrêter de fumer si vous ne vous en donnez pas les moyens. Vous ne pouvez pas combattre le racisme si les gens ne veulent pas. Mais je ferai tout mon possible pour combattre ce fléau. » C’est la proclamation solennelle de Mario Balotelli qui a décidé de sortir du terrain si les cris racistes devaient se répéter à son endroit. Avant lui, un joueur de renom, le Germano-Ghanéen avait fait cela. D’autres joueurs noirs promettent de suivre son exemple.

Lucien Mpama